23 novembre

Saint Clément,
pape et martyr

La plus ancienne liste des évêques de Rome que nous tenons de saint Irénée de Lyon, donne saint Clément de Rome comme le troisième successeur de saint Pierre : Ayant donc fondé et édifié l'Eglise, les bienheureux apôtres remirent à Lin la charge de l'épiscopat ; c'est de lui que Paul parle dans ses lettres à Timothée ; il eut Anaclet pour successeur. Après Anaclet, le troisième après les apôtres, Clément obtint l'épiscopat. Telle est aussi l'opinion de l'historien Eusèbe de Césarée, Clément fut le troisième évêque des Romains, qui date son pontificat de 92 à 101. Le canon romain garde le même ordre : Lin, Clet, Clément.

A la fin du deuxième siècle, saint Irénée de Lyon, dans son Adversus haereses, dit que Clément a connu les bienheureux apôtres et conversa avec eux ; il avait encore dans l'oreille la prédication apostolique et leur souvenir devant les yeux.

Dans la première moitié du troisième siècle, Origène, le réputé disciple des apôtres et l'identifie avec ce collaborateur que saint Paul cite dans la lettre aux Philippiens (IV 2-3) :  Clément et mes autres collaborateurs dont les noms se trouvent au Livre de vie. Dans le sillage d'Origène, Eusèbe de Césarée note : la douzième année du règne de Domitien, Anaclet, ayant été évêque des Romains douze ans, a pour successeur Clément que l'apôtre, dans sa lettre aux Philippiens, désigne comme le compagnon de ses labeurs par ces mots : " avec Clément et mes autres collaborateurs dont les noms sont au livre de vie. " Il existe de celui-ci, acceptée comme authentique, une épître longue et admirable. Elle a été écrite au nom de l'église de Rome à celle de Corinthe à propos d'une dissension qui s'était alors élevée à Corinthe. En beaucoup d'Eglises, depuis longtemps et encore de nos jours, on la lit publiquement dans les réunions communes.

Encore que saint Irénée de Lyon n'en dit rien, il existait à Rome une tradition du martyre de saint Clément telle qu'elle affirmée par Rufin, les papes Télesphore (+ 136) Zosime (+ 418) et le sixième concile de Vaison (442), cependant, il n'est jamais fait mention de son tombeau.

Les actes de son martyre sont une oeuvre poétique grecque du V° siècle qui, une fois le merveilleux enlevé, peuvent néanmoins fournir des indications que la Tradition a retenues : sous le règne de Trajan (98-117), le pape Clément, trop influent sur l'aristocratie romaine, aurait été déporté au delà du Pont-Euxin, en Chéronèse Taurique (Crimée) dans les mines du désert proche de Cherson (Sébastopol) et, pour le punir de continuer son apostolat auprès des prisonniers, on lui aurait attaché une ancre au cou avant de le précipiter dans la mer.

Ce que l'on a donc de plus sûr sur saint Clément de Rome reste la lettre qu'il adresse aux Corinthiens divisés, alors, écrit Eusèbe de Césarée que demeurait encore en vie celui que Jésus aimait : Jean, à la fois apôtre et évangéliste, qui gouvernait les Eglises d'Asie, après être revenu, à la mort de Domitien, de l'île où il avait été exilé, ce que confirme saint Clément d'Alexandrie. On notera que Corinthe, si proche de l'apôtre Jean qui, aux dires de saint Clément d'Alexandrie, allait sur invitation dans les pays voisins, s'adresse au successeur de Pierre, l'évêque de Rome, ou, du moins, si celui-ci, de son propre chef, intervient dans ses affaires, c'est qu'il représente plus que l'évêque d'une église locale. Il suffit d'ailleurs de considérer la lettre clémentine pour voir que le pape est d'autant plus sûr de son autorité que le ton y est tranquille et serein et que, loin d'expliquer pourquoi il intervient, il se contente de s'excuser de n'avoir pu faire plus tôt son devoir. On se souvient aussi que les Corinthiens reçurent bien cette épître romaine et que les communautés antiques la mettront presque au rang des écritures comme le souligne Eusèbe de Césarée : en beaucoup d'Eglises, depuis longtemps et encore de nos jours, on la lit publiquement dans les réunions communes.

Le pape Clément, en bon disciple des apôtres, s'appuie solidement sur les Ecritures qu'il connaît et manie parfaitement dans de longues citations ; ceci étant, en bon lettré helléniste autant que latin, il ajoute des exemples et des maximes qui relèvent de l'univers antique où affleurent Platon, Sophocle et Cicéron ; enfin, en bon romain, il admire la bonne administration romaine et l'ordre des légions qui la fonde. Clément de Rome est en admiration devant l'harmonie et la beauté de la création, sa prière est lyrique et son verbe délicat et sensible. Certes, il commande sans hésitations mais aussi sans brusquerie, modérant son énergie par une douceur soutenue et, graduellement, par de longs développements il enveloppe ses lecteurs pour les mener patiemment jusqu'à l'acceptation de la correction dont personne ne doit s'irriter.