6 octobre Saint Bruno, Sommaire : O Dieu, montrez-nous votre visage Saint Bruno Vous êtes mon Seigneur, Saint Bruno Bruno qui appartenait à une famille noble (celle, croit-on, des Hartenfaust, de duro pugno), né à Cologne entre 1030 et 1035. Il commença ses études dans sa ville natale, à la collégiale de Saint-Cunibert, et fit ensuite des études de philosophie et de théologie à Reims et, peut-être aussi à Paris. Vers 1055, il revint à Cologne pour recevoir de l’archevêque Annon, avec la prêtrise, un canonicat à Saint-Cunibert. En 1056 ou 1057, il fut rappelé à Reims par l’archevêque Gervais pour y devenir, avec le titre d'écolâtre, professeur de grammaire, de philosophie et de théologie ; il devait garder une vingtaine d'années cette chaire, où il travailla à répandre les doctrines clunisiennes et, comme on allait dire bientôt, grégoriennes ; parmi ses élèves, étaient Eudes de Châtillon, le futur Urbain II, Rangérius, futur évêque de Lucques, Robert, futur évêque de Langres, Lambert, futur abbé de Pothières, Pierre, futur abbé de Saint-Jean de Soissons, Mainard, futur prieur de Cormery, et d'autres personnages de premier plan. Maître Bruno dont on conserve un commentaire des psaumes et une étude sur les épitres de saint Paul est précis, clair et concis en même temps qu’affable, bon et souriant « il est, dire ses disciples, éloquent, expert dans tous les arts, dialecticien, grammairien, rhéteur, fontaine de doctrine, docteur des docteurs. » Sa situation devint difficile quand l'archevêque Manassès de Gournay, simoniaque avéré, monta en 1067 sur le siège de Reims ; ce prélat qui n'ignorait pas l'opposition de Bruno, tenta d'abord de se le concilier, et le désigna même comme chancelier du Chapitre (1075), mais l'administration tyrannique de Manassès, qui pillait les biens d'Eglise, provoqua des protestations, auxquelles Bruno s'associa ; elles devaient aboutir à la déposition de l'indigne prélat en 1080 ; en attendant, Manassès priva Bruno de ses charges et s'empara de ses biens qui ne lui furent rendus que lorsque l'archevêque perdit son siège[1]. Bruno, réfugié d'abord au château d'Ebles de Roucy, puis, semble-t-il, à Cologne, chargé de mission à Paris, et redoutant d'être appelé à la succession de Manassès, décida de renoncer à la vie séculière. Cette résolution aurait été fortifiée en lui, d'après une tradition que répètent les historiens chartreux, par l'épisode parisien (1082) des funérailles du chanoine Raymond Diocrès qui se serait trois fois levé de son cercueil pour se déclarer jugé et condamné au tribunal de Dieu[2]. En 1083, Bruno se rendit avec deux compagnons, Pierre et Lambert, auprès de saint Robert de Molesme, pour lui demander l'habit monastique et l'autorisation de se retirer dans la solitude, à Sèche-Fontaine. Mais ce n'était pas encore, si près de l'abbaye, la vraie vie érémitique. Sur le conseil de Robert de Molesme et, semble-t-il, de l'abbé de la Chaise-Dieu, Seguin d'Escotay, Bruno se rendit, avec six compagnons[3] auprès du saint évêque Hugues de Grenoble qui accueillit avec bienveillance la petite colonie. Une tradition de l'Ordre veut que saint Hugues ait vu les sept ermites annoncés dans un songe sous l'apparence de sept étoiles. Il conduisit Bruno et ses compagnons dans un site montagneux d'une sévérité vraiment farouche, le désert de Chartreuse (1084)[4]. En 1085 une première église s'y élevait. Le sol avait été cédé en propriété par Hugues aux religieux qui en gardèrent le nom de Chartreux. Quant à l'appartenance spirituelle, il paraît que la fondation eut d'abord quelque lien avec la Chaise-Dieu, à qui Bruno la remit quand il dut se rendre en Italie ; mais l'abbé Seguin restitua la Chartreuse au prieur Landuin quand celui-ci, pour obéir à saint Bruno, rétablit la communauté, et il reconnut l'indépendance de l'ordre nouveau (1090)[5]. Au début de cette année 1090, Bruno avait été appelé à Rome par un de ses anciens élèves, le pape Urbain II, qui voulait s'aider de ses conseils et qui lui concéda, pour ceux de ses compagnons qui l'avaient suivi, l'église de Saint-Cyriaque. Le fondateur fut à plusieurs reprises convoqué à des conciles[6]. Le pape eût voulu lui faire accepter l'archevêché de Reggio de Calabre, mais Bruno n'abandonnait pas son rêve de vie érémitique. Il avait reçu en 1092 du comte Roger de Sicile un terrain boisé à La Torre, près de Squillace, où Urbain II autorisa la construction d'un ermitage et où une église fut consacrée en 1094. Roger aurait affirmé, dans un diplôme de 1099, que Bruno l'aurait averti dans un songe d'un complot durant le siège de Padoue en 1098. Bruno, le 27 juillet 1101, recevait du pape Pascal II la confirmation de l'autonomie de ses ermites. Le 6 octobre suivant, après avoir émis une profession de foi et fait devant les frères sa confession générale, il rendit l'âme à la chartreuse de San Stefano in Bosco, filiale de La Torre, où il fut enseveli. Les cent soixante-treize rouleaux des morts, circulant d'abbaye en abbaye et recevant des formules d'éloges funèbres, attestent précieusement, dès le lendemain de sa mort, sa réputation de sainteté, accrue par les miracles attribués à son intercession. Son corps, transféré en 1122 à Sainte-Marie du Désert, la chartreuse principale de La Torre, y fut l'objet d'une invention en 1502 et d'une récognition en 1514. Le culte fut autorisé de vive voix dans l'ordre des Chartreux par Léon X, le 19 juillet 1514. La fête, introduite en 1622 dans la liturgie romaine et confirmée en 1623 comme semi-double ad libitum, est devenue de précepte et de rite double en 1674 à la date anniversaire de sa mort, le 6 octobre ; saint Bruno n'a donc été l'objet que d'une canonisation équipollente. Il y a actuellement 17 chartreuses de moines et 5 de moniales, toutes situées en Europe sauf un monastère aux Etats-Unis. (Une fondation est en cours en Amérique Latine). Les moines sont environ 400, les moniales une centaine. En 1257, saint Louis demanda des moines au prieur de la Grande Chartreuse, qui lui envoya Dom Jean de Jossaram, prieur du Val-Sainte-Marie, près de Valence, et quatre autres religieux. Ils habitèrent d'abord Gentilly, puis vinrent près de Paris, au château de Vauvert, dès 1258. Saint Louis fit commencer leur grande église, qui ne fut dédiée qu'en 1325, à la Sainte Vierge et à saint Jean-Baptiste. Elle avait sept chapelles latérales dans la clôture et une huitième chapelle extérieure, dont l'accès était permis aux femmes. Vingt-huit cellules, chacune composée de deux ou trois pièces et accompagnée d'un jardin, étaient groupées autour du grand cloître. Il y vivait quarante religieux, sans compter les Frères. Le petit cloître était décoré des fameux tableaux de la vie de saint Bruno d'Eustache Lesueur : il n'y en avait que trois, disait-on, de sa main. La Révolution détruisit ce monastère pour faire passer des rues et agrandir le jardin du Luxembourg. Les Chartreux de Paris achetèrent une rente sur des biens sis à Saulx que saint Louis leur confirma en 1263. L’année suivante, les Chartreux achètent à Saulx la dîme du blé avec une partie du fief des Tournelles où était le four banal. En 1265, les Chartreux achètent à Saulx la dime du vin. En 1285, les Chartreux achètent le fief des Tournelles avec le four banal. En 1657 le prieuré Notre-Dame de Saulx est cédé aux Chartreux et ils nomment le curé de la paroisse. Le 14 mai 1984, l'occasion du neuvième centenaire de la fondation de leur Ordre le Saint-Père adressait aux Chartreux la lettre Silentio et solitudini, rappelant qu’en l'an 1084, aux alentours de la fête de saint Jean-Baptiste, Bruno de Cologne, au terme d’une brillante carrière ecclésiastique, marquée notamment par un courage indomptable dans la lutte contre les abus de l'époque, entrait avec six compagnons au désert de Chartreuse. Il s’agit d’une vallée étroite et resserrée des Préalpes, à 1175 mètres d'altitude, où de grands sapins laissent à peine pénétrer la lumière, et que les neiges isolent presque complètement du monde extérieur durant l'hiver interminable. Ce cadre austère paraissait approprié à la forme de vie entièrement centrée sur Dieu qu'ils désiraient chercher par le moyen de la solitude. Le monastère fut fait de petits ermitages, reliés par une galerie pour se rendre en toute saison à l'église. Les moines ne se rencontraient habituellement qu’aux Matines et aux Vêpres, parfois à la messe qui n’était pas alors quotidienne, mais ils prenaient ensemble le repas du dimanche, suivi du chapitre. Saint Bruno avait en propre de savoir unir une soif intense de la rencontre de Dieu dans la solitude, avec une capacité exceptionnelle de se faire des amis, et de faire naître parmi eux un courant d'intense affection. Parmi les six compagnons de saint Bruno figuraient deux laïcs ou convers ; leur solitude devait incorporer un certain travail hors de la cellule, principalement agricole. Aujourd'hui encore un monastère cartusien comporte des moines du cloître, voués à la solitude de la cellule, et des moines convers, qui partagent leur temps entre cette solitude et la solitude du travail dans les obédiences : on pratique ainsi deux manières, étroitement solidaires et complémentaires, de vivre la vie de chartreux ou de chartreuse. Les historiens de la vie monastique ont relevé la sagesse qui a su unir les différents aspects de la vie cartusienne en un équilibre harmonieux : le soutien de la vie fraternelle aide à affronter l'austérité de l'érémitisme ; la coexistence de deux manières de vivre l'érémitisme (moines du cloître et moines convers) permet à chacune des deux de trouver sa formule la meilleure ; un facteur équilibrant, aussi, est joué par l'importance de l'office liturgique de Matines, célébré à l'église au cours de la nuit. Ou encore, liberté spirituelle et obéissance sont étroitement unies... Cette sagesse de vie, les chartreux la doivent à saint Bruno lui-même, et c'est elle qui a assuré la persévérance de leur Ordre à travers les siècles. Sagesse et équilibre. Il reste vrai qu'une telle vie n'a de sens qu'en référence à Dieu. Le Saint-Père, dans sa lettre, rappelait aux Chartreux que c'est là leur responsabilité, leur fonction propre dans le Corps mystique, au sein duquel ils doivent exercer un rayonnement invisible : ils sont, disait-il, des témoins de l'absolu, spécialement utiles aux hommes d'aujourd'hui, souvent profondément troublés par le tourbillon des idées et l'instabilité qui caractérisent la culture moderne. Pour l'Eglise elle-même, ajoute le Pape, en tant qu'elle est absorbée dans les difficultés du labeur apostolique, les solitaires signifient la certitude de l'Amour immuable de Dieu ; et c'est au nom de toute l'Eglise qu'ils font monter vers Lui un hymne de louange ininterrompue. Il y a actuellement 17 chartreuses de moines et 5 de moniales, toutes situées en Europe sauf un monastère aux Etats-Unis. (Une fondation est en cours en Amérique Latine). Les moines sont environ 400, les moniales une centaine. [1] Quelques clercs de Reims avaient porté plainte contre Manassès de Gournay auprès de Hugues de Die, légat du pape Grégoire VII, qui le cita à comparaître au concile d’Autun (1077). Manassès ne parut pas au concile d’Autun qui le déposa, mais s’en fut se plaindre à Rome où il promit tout ce que l’on voulut. C’est alors qu’il priva de leurs charges et de leurs biens tous ses accusateurs dont Bruno. Voyant que Manassès de Gournay ne s’amendait pas, Hugues de Die le cita à comparaître au concile de Lyon (1080) ; l’archevêque écrivit pour se défendre mais, cette fois, il fut déposé et, le 27 décembre 1080, Grégoire VII ordonna aux clercs de Reims de procéder à l’élection d’un nouvel archevêque. Manassès s’enfuit et ses accusateurs rentrèrent en possession de leurs charges et de leurs biens. [2] Jean Long d'Ypres : Chronique de Saint-Bertin. [3] Les six compagnons de Bruno étaient le toscan Landuin, théologien réputé, qui lui succéda comme prieur de la Chartreuse, Etienne de Bourg et Etienne de Die, chanoines de Saint-Ruf en Dauphiné, le prêtre Hugues qui fut leur chapelain, André et Guérin. Les deux derniers des six compagnons de saint Bruno étaient deux laïcs ou convers ; leur solitude devait incorporer un certain travail hors de la cellule, principalement agricole. Aujourd'hui encore un monastère cartusien comporte des moines du cloître, voués à la solitude de la cellule, et des moines convers, qui partagent leur temps entre cette solitude et la solitude du travail dans les obédiences : on pratique ainsi deux manières, étroitement solidaires et complémentaires, de vivre la vie de chartreux ou de chartreuse. [4] Il s’agit d’une vallée étroite et resserrée des Préalpes, à 1175 mètres d'altitude, où de grands sapins laissent à peine pénétrer la lumière, et que les neiges isolent presque complètement du monde extérieur durant l'hiver interminable. Ce cadre austère paraissait approprié à la forme de vie entièrement centrée sur Dieu qu'ils désiraient chercher par le moyen de la solitude. Le monastère fut fait de petits ermitages, reliés par une galerie pour se rendre en toute saison à l'église. Les moines ne se rencontraient habituellement qu’aux Matines et aux Vêpres, parfois à la messe qui n’était pas alors quotidienne, mais ils prenaient ensemble le repas du dimanche, suivi du chapitre. Saint Bruno avait en propre de savoir unir une soif intense de la rencontre de Dieu dans la solitude, avec une capacité exceptionnelle de se faire des amis, et de faire naître parmi eux un courant d'intense affection. [5] Les historiens de la vie monastique ont relevé la sagesse qui a su unir les différents aspects de la vie cartusienne en un équilibre harmonieux : le soutien de la vie fraternelle aide à affronter l'austérité de l'érémitisme ; la coexistence de deux manières de vivre l'érémitisme (moines du cloître et moines convers) permet à chacune des deux de trouver sa formule la meilleure ; un facteur équilibrant, aussi, est joué par l'importance de l'office liturgique de Matines, célébré à l'église au cours de la nuit. Ou encore, liberté spirituelle et obéissance sont étroitement unies... Cette sagesse de vie, les chartreux la doivent à saint Bruno lui-même, et c'est elle qui a assuré la persévérance de leur Ordre à travers les siècles. Sagesse et équilibre. Il reste vrai qu'une telle vie n'a de sens qu'en référence à Dieu. Le Saint-Père, dans sa lettre, rappelait aux Chartreux que c'est là leur responsabilité, leur fonction propre dans le Corps mystique, au sein duquel ils doivent exercer un rayonnement invisible : ils sont, disait-il, des témoins de l'absolu, spécialement utiles aux hommes d'aujourd'hui, souvent profondément troublés par le tourbillon des idées et l'instabilité qui caractérisent la culture moderne. Pour l'Eglise elle-même, ajoute le Pape, en tant qu'elle est absorbée dans les difficultés du labeur apostolique, les solitaires signifient la certitude de l'Amour immuable de Dieu ; et c'est au nom de toute l'Eglise qu'ils font monter vers Lui un hymne de louange ininterrompue. [6] Bénévent, 1091 ; Troja, 1093 ; Plaisance, 1095.
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