14 août

Saint Maximilien Kolbe et saint Jean Berchmans

Saint Maximilien Kolbe

Biographie

Acte de consécration à l'immaculée

Saint Jean Berchmans

Biographie



Biographie de St Maximilien Kolbe

Un jour de 1915, à Rome, un homme d'âge mûr vocifère devant frère Maximilien Kolbe contre le Pape et l'Église. Le jeune franciscain engage la discussion. «Je m'y entends, jouvenceau! Je suis docteur en philosophie», s'exclame l'inconnu. «Et moi aussi», riposte le petit frère de vingt et un ans qui en paraît seize. Stupéfait, l'homme change de ton. Alors patiemment, avec une inexorable logique, le frère reprend un à un les arguments de son interlocuteur et les retourne contre lui. «Vers la fin de la discussion, raconte un témoin, le mécréant se tut. Il semblait profondément réfléchir». Qui est donc cet apôtre ardent, décrit par le Pape Paul VI comme un «type d'homme auquel nous pouvons conformer notre art de vivre, lui reconnaissant le privilège de l'apôtre Paul de pouvoir dire au peuple chrétien: Montrez-vous mes imitateurs, comme je le suis moi-même du Christ (1 Co 11, 1)»?


Les deux couronnes

Raymond Kolbe, le futur saint Maximilien (canonisé par le Pape Jean-Paul II, le 10 octobre 1982), est né le 7 janvier 1894 de modestes tisserands polonais. Son père est très doux, un peu taciturne. Sa mère, Marie, est énergique et travailleuse. Outre deux enfants morts en bas âge, le foyer compte trois garçons, François, Raymond et Joseph. Raymond est violent, indépendant, entreprenant et têtu. D'un naturel vif et primesautier, il éprouve souvent la patience de sa mère qui s'écrie un jour: «Mon pauvre enfant, que deviendras-tu?»

La réprimande provoque chez le petit une véritable conversion. Il devient sage et obéissant. La maman s'aperçoit qu'il disparaît souvent derrière l'armoire où se trouve un petit autel de Notre-Dame de Czestochowa. Là, il prie et pleure. «Voyons, Raymond, lui demande sa mère, pourquoi pleures-tu comme une fille? - Lorsque vous m'avez dit: "Raymond, que deviendras-tu?" j'ai eu beaucoup de peine et je suis allé demander à la Sainte Vierge ce que je deviendrai... La Sainte Vierge m'est apparue, en tenant deux couronnes, l'une blanche et l'autre rouge. Elle m'a regardé avec amour et m'a demandé laquelle je choisissais; la blanche signifie que je serai toujours pur et la rouge que je mourrai martyr. J'ai répondu: "Je choisis les deux!"»

L'âme de l'enfant conserve depuis cette rencontre un amour indéfectible pour la Sainte Vierge. La lecture des écrits de saint Louis-Marie Grignion de Montfort lui apprend que «Dieu veut révéler et découvrir Marie, le chef-d'oeuvre de ses mains, dans ces derniers temps Marie doit briller, plus que jamais, en miséricorde, en force et en grâce» (Traité de la vraie dévotion à la Sainte Vierge). Il donne sa vie à la Sainte Vierge. La consécration mariale est un don d'amour qui offre toute la personne et qui la lie à l'Immaculée. «De même que l'Immaculée est à Jésus, à Dieu, de même chaque âme va être par Elle et en Elle à Jésus, à Dieu, et cela beaucoup mieux que sans Elle», écrira saint Maximilien. «L'Église catholique a toujours affirmé que l'imitation de la Vierge Marie, non seulement ne détourne pas de l'effort pour suivre fidèlement le Christ, mais qu'elle le rend plus aimable et plus aisé» (Paul VI, Exhortation apostolique Signum Magnum, 13 mai 1967, n. 8).

Attiré par Marie, Raymond Kolbe embrasse la vie religieuse. Le 4 septembre 1910, il revêt l'habit franciscain, et prend pour nom "frère Maximilien Marie". À l'automne 1912, ses supérieurs l'envoient à l'université grégorienne de Rome. Ses études ne le détournent pas de son idéal de sainteté: il veut procurer à Dieu la plus grande gloire possible. «la gloire de Dieu consiste dans le salut des âmes. Le salut des âmes et la parfaite sanctification de celles-ci, déjà rachetées à grand prix par la mort de Jésus en croix, en commençant naturellement par notre âme, est donc notre noble idéal». Mais la voie du salut se trouve dans l'accomplissement de la volonté de Dieu. Aussi le jeune frère écrit-il à sa mère: «Je ne vous souhaiterai ni la santé, ni la prospérité. Pourquoi? Parce que je voudrais vous souhaiter mieux que cela, quelque chose de tellement bon que Dieu lui-même ne saurait vous souhaiter mieux: qu'en toutes choses la volonté de ce très bon Père se fasse en vous, maman, que vous sachiez en toutes choses accomplir la volonté de Dieu! C'est tout ce que je puis vous souhaiter de mieux».


Sauver toutes les âmes

Puissante contre le mal, Notre-Dame est victorieuse du démon. Aussi, frère Maximilien fonde-t-il la "Mission de l'Immaculée" sur cette parole de Dieu au serpent (le diable): Elle (la Sainte Vierge) t'écrasera la tête (Gn 3, 15 - Vulgate). Le saint relie cette prophétie divine à l'affirmation de la liturgie: «Par vous seule, ô Marie, ont été vaincues toutes les hérésies». Le but de son oeuvre est d'obtenir «la conversion des pécheurs, hérétiques, schismatiques, etc., et particulièrement des francs-maçons; et la sanctification de tous les hommes sous la direction et par l'intermédiaire de la Bienheureuse Vierge Marie Immaculée». Dans son ardeur, il désire la conversion de tous les pécheurs, car le saint ne dira jamais «sauver des âmes», mais «toutes les âmes». Ce désir correspond au dessein de Dieu. Dieu a tant aimé le monde qu'Il a donné son Fils unique afin que quiconque croit en Lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle (Jn 3, 16). C'est Dieu qui nous a aimés et qui a envoyé son Fils en victime de propitiation pour nos péchés (1 Jn 4, 10). Il est la victime offerte pour nos péchés, et non seulement pour les nôtres, mais encore pour ceux du monde entier (1 Jn 2, 2).

Les membres de la "Mission" feront l'offrande totale d'eux-mêmes à la Bienheureuse Vierge Marie Immaculée, comme instruments dans ses mains, et porteront la Médaille Miraculeuse. Ils réciteront, une fois par jour, la prière suivante: «Ô Marie conçue sans péché, priez pour nous qui avons recours à Vous et pour tous ceux qui n'ont pas recours à Vous, plus particulièrement pour les francs-maçons et pour tous ceux qui vous sont recommandés».


Christianiser la culture

La santé de frère Maximilien n'est pas robuste. Malgré cela, il s'adonne avec courage aux études, passe brillamment ses examens et devient, en 1915, docteur en philosophie. Quatre ans plus tard, il obtient, avec le même succès, un doctorat en théologie. Entre temps, il a reçu l'ordination sacerdotale le 28 avril 1918. Il envisage sa formation intellectuelle dans le but d'instruire le prochain et de contribuer ainsi au salut des âmes.

Son désir est de «faire servir tout progrès à la gloire de Dieu», c'est-à-dire de christianiser la culture moderne. «Les problèmes nouveaux et les recherches suscitées par le progrès du monde moderne, déclare, de nos jours, le Concile Vatican II, seront étudiés très soigneusement. On saisira plus profondément comment la foi et la raison s'unissent pour atteindre l'unique vérité... De la sorte, se réalisera comme une présence publique, durable et universelle, de la pensée chrétienne dans tout l'effort intellectuel vers la plus haute culture; et les étudiants de ces instituts (écoles supérieures, universités et facultés) seront formés à devenir des hommes éminents par leur science, prêts à assumer les plus lourdes tâches dans la société, en même temps que témoins de la foi dans le monde» (Gravissimum educationis, 10).

Mais le saint doit expérimenter que le bien ne se fait pas sans la croix. En effet, comme le rappelle sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus, «seule la souffrance enfante les âmes». Vers la fin de 1919, on l'envoie à Zakopane, dans un sanatorium où les secours religieux font défaut. Bien que malade, il entreprend un difficile apostolat auprès de ses compagnons, à l'aide de médailles miraculeuses. Il gagne les coeurs et les esprits un à un et fait si bien qu'on l'invite à donner des conférences. L'apôtre de Marie n'attendait que cela. Beaucoup d'incrédules se convertissent.


Le poison de l'indifférence

Puis, le Père inaugure une série de "causeries apologétiques", sur l'existence de Dieu et la divinité du Christ. L'amour qu'il manifeste pour la vérité transparaît dans une lettre écrite à son frère Joseph: «De nos jours, le plus grand poison est l'indifférence, qui trouve ses victimes non seulement parmi les bourgeois mais aussi parmi les religieux, à des degrés divers, bien entendu». «Tous les chrétiens, dit le Pape Pie XII, devraient avoir, autant que possible, une instruction religieuse profonde et organique. Il serait, en effet, dangereux de développer toutes les autres connaissances et de laisser le patrimoine religieux sans changement, tel qu'il était dans la première enfance. Nécessairement incomplet et superficiel, il serait étouffé, et peut-être détruit, par la culture areligieuse et par les expériences de la vie adulte, comme en témoignent tous ceux dont la foi fit naufrage pour des doutes demeurés dans l'ombre, des problèmes restés sans solution. Comme il est nécessaire que le fondement de la foi soit rationnel, une étude suffisante de l'apologétique devient indispensable» (24 mars 1957).

En 1927, le Père Maximilien fonde la cité mariale franciscaine de Niepokalanow (littéralement: la cité de l'Immaculée). Tout y est consacré à Marie. Nombreux sont ceux qui demandent leur admission au noviciat, au point que le couvent comptera jusqu'à mille religieux. «À Niepokalanow, dit le Père, nous vivons d'une idée fixe, si l'on peut s'exprimer ainsi, volontairement choisie et aimée: l'Immaculée!» La presse, dont l'influence ne cesse de grandir, lui apparaît comme un terrain privilégié d'apostolat. Il lance, en vue de l'évangélisation, la revue "Le Chevalier de l'Immaculée", qui devient bientôt la plus importante publication de Pologne. En 1939, son tirage atteindra un million d'exemplaires.


«Savez-vous le japonais?»

Loin d'être l'unique objectif du Père Maximilien, la Pologne n'est qu'un tremplin. Trois ans à peine après la fondation de Niepokalanow, il rencontre, dans un train, des étudiants japonais. La conversation s'engage et le Père offre des médailles miraculeuses. En échange, les étudiants lui donnent de petits éléphants en bois qui leur servent de fétiches. Depuis ce temps, le saint ne cesse de penser à la grande pitié de ces âmes sans Dieu. Aussi se présente-t-il, un beau jour, chez son provincial et lui demande-t-il la permission d'aller au Japon pour y fonder un Niepokalanow japonais. «Avez-vous de l'argent? demande le Père provincial - Non. - Savez-vous le japonais? - Non. - Avez-vous, du moins, des amis là-bas, quelque appui? - Pas encore, mais j'en trouverai, avec la grâce de Dieu»..

Toutes les autorisations obtenues, le Père part en 1930 avec quatre frères pour le Japon. À force de travail, d'audace, de prières et de confiance en l'Immaculée, ils parviennent à créer la "Mugenzai no Sono", textuellement: le jardin de l'Immaculée. Deux ans après la fondation au Japon, le Père Maximilien s'embarque pour fonder aux Indes. Aux prises avec de grosses difficultés, il prie sainte Thérèse de Lisieux: n'avait-il pas convenu avec elle, jadis à Rome, qu'il prierait chaque jour pour sa canonisation, mais qu'en retour elle serait patronne de ses oeuvres? Sainte Thérèse honore le contrat. Tous les obstacles tombent comme par enchantement. Mais, exténué et miné par la fièvre, l'apôtre de Marie Immaculée doit rentrer en Pologne, en 1936.


L'amour ou le péché

Septembre 1939: la guerre s'abat sur le pays. Saint Maximilien s'adonne, avec plus d'ardeur que jamais à l'apostolat. «Si le bien consiste en l'amour de Dieu et en tout ce qui jaillit de l'amour, le mal, dans son essence, est une négation de l'amour», lit-on dans la publication de son dernier article. Voilà le vrai conflit. Au fond de chaque âme, il y a ces deux adversaires: le bien et le mal, l'amour et le péché. Saint Augustin a exprimé ce conflit en ces termes: « Deux amours ont fait deux cités: l'amour de soi jusqu'au mépris de Dieu a fait la cité terrestre; l'amour de Dieu jusqu'au mépris de soi a fait la cité céleste» (Cité de Dieu, XIV, 28).

Le 17 février 1941, des policiers de la Gestapo se saisissent du Père et de quatre autres frères qu'ils emmènent d'abord à la prison de Pawiak à Varsovie. Le Père y est violemment frappé en tant que religieux et prêtre. Il écrit à ses enfants restés à Niepokalanow: «L'Immaculée, Mère très aimante, nous a toujours entourés de tendresse et veillera toujours Laissons-nous conduire par Elle, de plus en plus parfaitement où qu'elle veuille et quel que soit son bon plaisir, afin que, remplissant nos devoirs jusqu'au bout, nous puissions, par amour, sauver toutes les âmes». Quelques jours plus tard, le Père Kolbe est transféré au camp d'Auschwitz.

Bientôt hospitalisé, à la suite des sévices endurés, il confesse à longueur de nuits, malgré l'interdiction et la menace de représailles. Il sait convertir en bien le mal lui-même, et explique un jour à un malade: «La haine n'est pas une force créatrice. Seul l'amour est créateur. Ces douleurs ne nous feront pas plier, mais elles doivent nous aider, toujours davantage, à être forts. Elles sont nécessaires, avec d'autres sacrifices, pour que ceux qui resteront après nous soient heureux». Il fait partager à ses compagnons l'expérience du mystère pascal, où la souffrance vécue dans la foi se transforme en joie. «Le paradoxe de la condition chrétienne éclaire singulièrement celui de la condition humaine: ni l'épreuve ni la souffrance ne sont éliminées de ce monde, mais elles prennent un sens nouveau dans la certitude de participer à la Rédemption opérée par le Seigneur et de partager sa gloire» (Paul VI, Exhortation Apostolique sur la joie chrétienne, 9 mai 1975).


Travailler des deux mains

À la fin de juillet 1941, un prisonnier du bloc 14, celui du Père Maximilien, s'est évadé. Le chef de camp avait prévenu que, pour chaque évadé, dix hommes seraient condamnés à mourir de faim et de soif. Un des malheureux désignés pour la mort s'écrie: «Oh! ma pauvre femme et mes enfants que je ne reverrai plus!» Alors, au milieu de ses camarades interdits, le Père Maximilien se fraie un chemin et sort des rangs. «Je voudrais mourir à la place d'un de ces condamnés», et il désigne celui qui vient de se lamenter. «Qui es-tu?» demande le chef. «Prêtre catholique», répond le Père. Car c'est comme prêtre catholique qu'il veut donner sa vie. L'officier, stupéfait, garde un moment le silence puis accepte l'héroïque proposition.

Dans le bloc de la mort, les geôliers se rendent compte qu'il se passe quelque chose de nouveau. Au lieu des cris de détresse habituels, ce sont des chants qu'ils entendent. La présence du Père Maximilien a changé l'atmosphère de l'affreuse cellule. Le désespoir a fait place à une aspiration pleine d'espérance, d'acceptation et d'amour, vers le ciel, vers la Mère de Miséricorde. À la veille de l'Assomption, seul le Père Maximilien est pleinement conscient. Au moment où les gardes entrent pour l'achever, il est en prière. Voyant la seringue, il tend lui-même son bras décharné à la piqûre mortelle.

De son vivant, saint Maximilien Kolbe aimait à répéter: «Sur cette terre, nous ne pouvons travailler que d'une seule main, car de l'autre nous devons bien nous cramponner pour ne point tomber nous-mêmes. Mais au Ciel, ce sera différent! Point de danger de glisser, de tomber! Alors nous travaillerons bien plus encore, de nos deux mains!» Nous lui demandons d'intercéder pour vous et pour tous ceux qui vous sont chers, vivants et défunts, auprès de la Vierge Immaculée et de saint Joseph.



Acte de consécration à l'immaculée

Daignez recevoir ma louange, ô Vierge bénie ! Immaculée Conception, Reine du ciel et de la terre, Refuge des pécheurs et Mère très-aimante, à qui Dieu a voulu confier tout l'ordre de la miséricorde, me voici à vos pieds, moi, pauvre pécheur. Je vous en supplie, acceptez mon être tout entier comme votre bien et votre propriété. Agissez en moi selon votre volonté, en mon âme et mon corps, en ma vie et ma mort et mon éternité. Disposez avant tout de moi comme vous le désirez, pour que se réalise enfin ce qui est dit de vous : La Femme écrasera la tête du serpent et aussi : Vous seule vaincrez les hérésies dans le monde entier. Qu'en vos mains immaculées, si riches de miséricorde, je devienne un instrument de votre amour, capable de ranimer et d'épanouir pleinement tant d'âmes tièdes ou égarées. Ainsi s'étendra sans fin le règne du Coeur divin de Jésus. Vraiment, votre seule présence attire les grâces qui convertissent et sanctifient les âmes, puisque la grâce jaillit du Coeur divin de Jésus sur nous tous, en passant par vos mains maternelles.

Saint Maximilen-Marie Kolbe



Biographie de St Jean Berchmans

Né à Diest en Brabant, près de Bruxelles et de Louvain, le 13 mars 1599, Jean Berchmans était l’aîné des cinq enfants d’un maître corroyeur, marguiller de l’église Saint-Sulpice, qui fut deux fois échevin de Diest. Tout enfant, aimable, gracieux et patient, il récitait volontiers son chapelet et se réfugiait souvent à l’église où, dès l’âge de sept ans, chaque matin, avant d’aller à l’école, il servait deux ou trois messes.

Lorsque son père connut quelques revers de fortune, il fut question de faire apprendre un métier au fils aîné mais celui-ci convainquit ses parents de le laisser étudier parce qu’il voulait être prêtre. En octobre 1612, la condition qu’il lui servît de serviteur, un chanoine de Malines l’accueillit dans une petite pension qu’il tenait pour des enfants et l’envoya suivre les cours du petit séminaire puis, à partir d’octobre 1615, au collège des Jésuites où il se montra un excellent élève.

Le 24 septembre 1616, il entra au noviciat des Jésuites de Malines. Il fut novice de prière, aimant l’oraison, yeux clos, immobile pendant toute l’heure qu’elle durait. La fatigue, la maladie ne le dispensaient pas du lever à quatre heures pour le méditation, à moins qu’il n’eût obtenu permission expresse la veille au soir. En cas d’ordre formel, il retournait se coucher. Il se persuadait que son oraison, fondue à cette heure avec celle de tous les membres de la Compagnie de Jésus, prenait plus d’efficace de cette union. Il avait une dévotion spéciale au Saint-Sacrement qu’il visitait sept fois par jour, et à Notre-Dame pour qui il récitait chaque jour le psautier de saint Bonaventure.

En hiver, il se chauffait à peine, aussi lui voyait-on les mains et les oreilles enluminées d’ engelures. Au travail manuel on lui commanda un jour d’aller chercher avec une cuillère l’eau pour arroser le quartier des hôtes, à vingt-cinq mètres de là. L’ordre pouvait sembler une brimade : il l’exécuta comme la chose du monde la plus normale. Il déclarait qu’il faut lutter contre la mélancolie, l’orgueil, la gourmandise. A table, il mangeait lentement, par obéissance, ce qu’on servait. Il attendait le temps d’un Pater avant d’ entamer sa portion. Dès qu’on ofïrait un second mets, il laissait le premier. C’est en récréation qu’il fallait voir Jean ; on eût pu le croire guindé, lui qui ne remuait pas sans une raison, mais il était alors la gaieté même. Ses frères - il aimait penser à leurs anges gardiens, invisibles et présents - l’appelaient Hilaire ou Hilare, ou le saint joyeux. Volontiers il contait alors quelque trait des saints du lendemain. Volontiers il exaltait les mérites des frères coadjuteurs et des missionnaires aux Indes. Sur la fin de son premier an de noviciat, il fut promu portier, ce qui faisait de lui l’aide du Père maître. Les supérieurs désiraient que les Flamands apprissent le français et Jean s’y mit de tout son cœur, au point que lui qui ne savait pas un mot au début du noviciat, prêcha en français au réfectoire avant la fin de septembre 1618. On l’employait parfois à catéchiser les villageois du voisinage. Si les enfants se dérobaient, il allait les chercher dans les maisons. Il laissait à son confrère le beau rôle, les explications, et se contentait de faire réciter les prières. En avril 1618, le père de Jean, devenu veuf, reçut la prêtrise. Le 25 septembre suivant, Jean qui prononçait ses vœux de scolastique, écrivait à son père : Je mourrai sur la croix de Jésus, attaché par les trois clous de la pauvreté, de la chasteté et de l’obéissance. Il est doux de mourir dans la compagnie de Jésus, dans les bras de Jésus. Réjouissez-vous, mon excellent père, votre fils vivra dans cette mort et vivra heureux. Dès le 27 septembre 1617, il avait prononcé des vœux de dévotion, craignant de perdre sa vocation s’il se relâchait de sa ferveur initiale.

Son noviciat terminé, il était prévu que Jean irait faire sa philosophie à Anvers mais, à peine arrivé, il reçut l’ordre d’aller à Rome (18 octobre 1618) et apprit la mort de son père. Jean Berchmans arriva, le 31 décembre 1618, à Rome où il fut présenté au général de la Compagnie de Jésus qui, le 2 janvier 1619, le faisait entrer au Collège romain dont il devint un des meilleurs éléments. Il rédigea à son usage personnel un plan de vie sage et judicieux : ne pas lire ou écrire plus de deux heures de suite ; s’interrompre alors quelques instants. Dans les disputes scolastiques, il brillait par sa courtoisie pour l’adversaire, exposant ses thèses avec une impartialité absolue. Il étudiait avec sérieux et constance, selon le précepte ignacien, et se disait : Je suis entré en religion pour étudier et non fainéanter. Les hérétiques se donnent du mal pour s’informer contre le Christ ; et toi, tu ne travaillerais pas pour sa défense ? Les gens du siècle font des recherches pour la vaine gloire ; et toi, tu n’en ferais pas pour la gloire de Dieu ? Donc, applique-loi sérieusement et ne perds pas un instant. Les langues n’était pas dans les programmes, mais tout en soignant son latin pour les relations officielles, il se mit à l’italien avec succès, reprit l’usage du français et souhaitait passer un an au collège anglais, puis au germanique, pour s’ouvrir l’esprit toujours davantage. Le 8 juillet 1621, Jean eut les honneurs de la soutenance publique de philosophie.

Jean, religieux extrêmement obéissant, plein d’amour pour sa Compagnie, avait pris cette résolution : me laisser mettre en pièces plutôt que de violer la moindre règle ; plutôt mourir que de manquer à une règle sous prétexte de santé.  Par esprit de pauvreté, il avait banni le superflu de son existence. Bien qu’il n’eût jamais connu ce qui est contraire à la chasteté, il veillait étroitement sur ses sens, tenant les yeux habituellement baissés, au point, qu’après sa mort, on s’aperçut qu’on ignorait la couleur de ses yeux. Comme on lui avait proposé une place à l’intronisation du pape Grégoire XV, il répondit en souriant : J’ai déjà vu une procession depuis que je suis ici. Cela me suffit largement. Le P. Cepari, recteur du Collège romain, lui avait conseillé les Confessions de saint Augustin qu’il lui rendit bientôt en disant : Mon Père, cette lecture ne me plaît pas. Il préférait les Lettres de saint Jérôme, la Vie de Louis de Gonzague, ou bien Gerson.

Quelle que fût la température, il ne changeait pas de position dans son lit dont il confiait les quatre angles à son bon ange, au saint patron qu’il avait reçu pour le mois, au bienheureux Ignace de Loyola, à Notre-Dame et aux autres saints. Au pied du lit, il mettait son crucifix, pour bondir vers lui au reveil. Avant de s’endormir, il récitait trois rosaires pour les défunts. Il aimait la compagnie des frères coadjuteurs qu’il édifiait par les exemples des saints ou des religieux de la Compagnie, et visitait deux fois par jour les malades. Il aimait s’écrier : Laus Deo ! (Dieu soit loué !).

Le 31 juillet 1621, Jean reçut, selon l’usage, un billet portant le nom d’un patron pour le mois suivant : c’était saint Zéphyrin, pape et martyr, et on y avait adjoint ce texte : Veillez et priez, vous ne savez pas quand ce sera le moment. Jean vit là un avertissement céleste. Le 5 août il eut un peu de dysenterie. Le 6, il fut délégué à une soutenance de thèses au collège grec où il dut parler une heure et d’où il revint, le soir avec une telle fièvre qu’on l’envoya à l’infirmerie. Pour la Saint-Laurent (mardi), il exprima le désir de communier ; on lui objecta qu’on ne communiait les malades que le dimanche seulement, mais qu’il pouvait demander une exception qui serait sûrement accordée, il répliqua : Non, faisons comme tout le monde. Pensant à ses visiteurs, il tenait à ce que la propreté régnât autour de lui, à ce qu’on aérât, dût-il en être gêné. Au soir de la Saint-Laurent, le pouls faiblit. Jean dicta à I’infirmier un billet pour Ie Père recteur, contenant des remerciements à tous et quelques désirs. Le P. Cornelius a Lapide, un Belge, vint voir son jeune compatriote et lui demanda s’il n’ avait pas quelque inquiétude. Absolument rien, lui répliqua Jean, radieux, en ouvrant les mains. A l’aube du mercredi 11, sur les quatre heures et demie, le viatique arriva, escorté de Pères et de tous les jeunes scolastiques. Puis Jean demanda l’extrême-onction. Tous pleuraient, lui seul souriait. Après la cérémonie, il confia tout bas au Père recteur que sa grande consolation était de n’avoir jamais commis un péché délibéré, jamais enfreint une règle ou un ordre d’un supérieur. Jean craignait que sa maladie ne causât des dépenses excessives à la Compagnie. Un Père lui baignait le pouls et les tempes avec du vin vieux. Jean s’inquiétait de ce gaspillage. Le Père le rassura. Alors Jean : S’il en est ainsi, versez un peu plus généreusement. On lui demanda quelle lecture il souhaitait : il réclama le récit de la mort de Louis de Gonzague. Jean prit son crucifix, son chapelet, un livre des règles, et déclara : Ces trois sont ce que j’ai de plus cher. Avec eux, je mourrai avec plaisir. Son lit était continuellement entouré d’ une foule admiratrice. Mais Jean restait simple et humble, ce qui ne l’empêchait pas de répondre avec une autorité qui frappait tout le monde. Sa dernière nuit fut très agitée : le démon cherchait à l’affliger. Mais la fin fut paisible. Il mourut le vendredi 13 août à huit heures et sept minutes.

Le corps, exposé à l’église, fut littéralement dépouillé par la foule avide de reliques. Sa Vie, par le P. Cepari, son directeur, fut publiée en 1627. Les reliques furent reconnues en 1729. Pie IX béatifia Jean le 9 mai 1865, Léon XIII le canonisa le 15 janvier 1888. Le corps du saint repose à Saint-Ignace de Rome et son cœur a été placé à l’église des Jésuites de Louvain.