18 mai

Saint Jean 1er,
Pape et martyr



Biographie

Fils de Constance, Jean naquit en Toscane, vers 460, probablement dans la très ancienne ville de Senas. Il fit à Florence de brillantes études qu'il acheva à Rome. Entré dans les ordres, il fut pendant trente ans fonctionnaire de la Curie où il se distingua autant par la science que par la piété. 

Le saint pape Gélase I° le créa cardinal-prêtre au titre de Pammaque. Il servit fidèlement Atanase II et saint Symmaque, puis il fut l’archidiacre de saint Hormidas auquel il succéda le 13 août 523.

Le roi des Ostrogoths, Théodoric le Grand[1], de religion arienne mais tolérant aux catholiques dont étaient sa mère, sa femme (Aldoflède, sœur de Clovis) et quelques uns de ses ministres (Cassiodore et Boèce), n'en était pas moins le chef naturel des hérétiques qui se devait de prendre leur défense lorsqu'ils furent frappés (524) par un édit de l'Empereur Justin-Auguste le Catholique (518-527) : « fermeture immédiate de toutes les églises ariennes de Constantinople ; exclusion de toutes fonctions publiques, civiles et militaires, pour tous les citoyens reconnus comme sectateurs ariens. » En 525, Théodoric fit venir à Ravenne Jean I° qu'il croyait complice de Justin et le mit à la tête d'une ambassade envoyée à Constantinople pour obtenir le retrait des mesures prises contre les ariens : « Vous irez trouver Justin, commandait le Roi au Pape, et obtiendrez de lui de ma part : retrait de son édit, réouverture de toutes les églises ariennes et admission, en leur sein, de tous les apostats du catholicisme. Sinon, craignez de vives représailles anti-catholiques. » Et le Pape de répondre au Roi : « Me voici devant toi, fais-moi ce que tu voudras ; mais je ne te promets rien au sujet des réconciliés ; leur situation n'est-elle pas dangereuse et irritante ? Comment obtenir que ces instables soient autorisés à faire retour à l'hérésie ? Pourtant, hors cette impossibilité notoire, pour le reste, avec l'aide de Dieu, je pense pouvoir te satisfaire et je ferai tout pour t'être agréable et te rapprocher de Justin. »

Accompagné de cinq évêques et de quatre sénateurs à la tête d'une brillante suite, Jean I° s'embarqua (novembre 525) pour un voyage d'un mois au bout duquel il fut reçu à Constantinople (décembre 526) « comme saint Pierre lui-même » par l'Empereur prosterné qui voulut se faire couronner une seconde fois. Jean I° qui avait suivi les fêtes de la Nativité à Sainte-Sophie, y célébra en latin la liturgie pascale (19 avril 526). L'Empereur n'accorda cependant pas ce que réclamait Théodocic : « Sans doute restituerai-je un jour aux ariens leurs églises confisquées ; il est possible, éventuellement, qu'on autorise leur culte sous certaines conditions ; par contre, aucune possibilité, pour un arien, d'accéder à des fonctions publiques. » Quand Jean I° revint à Ravenne, Théodoric qui avait déjà fait assassiner Boèce (30 octobre 525), fit jeter le Pape avec sa suite en prison où il mourut de faim et de soif, le 18 mai 526. Théodoric mourut au mois d'août suivant.

Rome doit à Jean Ier d'avoir terminé le cimetière Saints-Nérée-et-Achillée et d'avoir restauré ceux des Saints-Félix-et-Adaucte et de Sainte-Priscille ; il fit relever la basilique Sainte-Pétronille, et orner richement la confession de la basilique Saint-Paul ; il dota quelques autres églises (Saints-Apôtres-Pierre-et-Paul, Sainte-Marie, Saint-Laurent). C'est à son initiative, qu'à partir des travaux qu'il fit faire à Boniface et à Bonus, au moine Denys le Petit[2], l'Eglise romaine fixa la date de Pâques[3]. Toujours sur les indications de Denys le Petit, il abandonna l’ère de Dioclétien pour compter les années à partir de la naissance du Christ. À l'imitation de quelques uns de ses prédécesseurs (Célestin Ier, Léon le Grand et Gélase), il travailla à l'élaboration du chant romain, préparant ainsi un terrain favorable à la grande œuvre de saint Grégoire le Grand.



[1] Théodoric le Grand, né vers 455, fils Théodomir, de la race royale des Amales, fut, à sept ans, envoyé comme otage à Constantinople où il apprit à parler couramment le grec et le latin. Ayant contribué (476) à rétablir l'empereur Zénon qui avait été détrôné, il reçut les titres de patrice, de maître de la milice (483) et de consul (484). Comme il menaçait Constantinople, Zénon l’envoya en Italie combattre Odoacre. Théodoric battit les Hérules sur l'lsouzo (28 août 489) et à Vérone (30 septembre 489). Odoacre reprit Milan, mais battu sur l'Adda, il s’enferma dans Ravenne que prit Théodoric après un siège de trois ans (26 février 493) ; Odoacre capitula, et Théodoric le fit poignarder (15 mars 493). Devenu maître de l'ltalie, de la Rhétie, du Norique, de la Pannonie et de l'lllyrie, Théodoric voulut refaire l'Empire d'Occident, en unissant les Goths et les Romains en une seule nation. S'entourant d'une cour, il fit revivre les anciens cadres de Rome (le sénat, les fonctionnaires, le préfet du prétoire), et partagea les responsabilités entre Romains et Barbares. Il eut comme ministres et conseillers les derniers représentants de la culture latine (Cassiodore, Boèce, Symmaque). Sous son règne l'ltalie retrouva la prospérité. Théodoric tenta d'exercer l'hégémonie sur les autres nations barbares : il maria ses filles à des princes wisigoths ou burgondes, et il épousa la sœur de Clovis. Tuteur de son petit-fils Amalric roi des Wisigoths (507), il régna sous son nom, chassa l'usurpateur Gésalic, battit un fils de Clovis devant Arles et conserva la Septimanie aux Wisigoths. Cependant, les Goths, caste militaire exclue des emplois civils et du gouvernement, contestaient la romanisation, tandis que les Romains et l'Eglise se méfiaient de lui parce qu’il adhérait à l'hérésie arienne. Il mourut à Ravenne le 30 août 526.

[2] Denys le Petit (« Exiguus »), ainsi surnommé par humilité, était un moine, scythe de naissance, « mais tout à fait romain d'éducation » et savant. Enfant abandonné, il aurait été recueilli par des moines goths, éduqué par eux, et serait devenu moine à son tour et peutêtre abbé d’un monastère de Rome. D’aucuns supposent plutôt qu’il naquit en Géorgie ou en Arménie septentrionale, qu’il aurait été envové très jeune dans le monastère de Mabug (province d'Antioche), où il aurait été élevé et aurait fait profession religieuse. Il aurait quitté Mabug pour fuir les agitations monothéliques et résister aux tendances hérétiques de l'Eglise syrienne. Il serait alors venu à Constantinople, où il aurait perfectionné ses connaissances et fréquenté les classes les plus cultivées de la capitale. Ce qui paraît certain, c'est que Denys fut le chef des archives pontificales qui étaient conservées au couvent Saint-Athanase. Tout porte à croire qu'il vint à Rome aux environs de 500, et qu'il y mourut vers 545. Denys, helléniste hors pair, traduisit en latin de nombreuses œuvres grecques, hagiographiques, philosophiques ou théologiques. Outre qu’il fut le computiste que l’on sait, il fut aussi un canoniste qui exerça une grande influence.

[3] Chez les juifs, Pâques, la plus solennelle des fêtes, est célébrée à la pleine lune du premier mois : 14 nisan. A partir de cette réalité, il y eut deux interprétations dans le christianisme primitif : l'Orient s'en tint à la lettre (coutume byzantine) pour solemniser Pâques le jour de la semaine où tombe le 14 nisan ; l’Occident (coutume romaine), célèbra Pâques le dimanche qui suit le 14 nisan. Les deux usages coexistent, et quand saint Polycarpe de Smyrne rend visite au pape Anicet, l’un et l'autre demeurent sur leurs positions respectives. Vingt ans plus tard, le pape Victor I° convoque un concile à Rome pour imposer l'usage romain du dimanche. Au nom des évêques orientaux, Polycrate d'Ephèse proteste : « Je me réclame de mes sept prédécesseurs, gardiens fidèles de notre antique tradition orientale. » Bientôt toutefois, le conflit s'apaise, et seule la petite secte des « quartodécimans » demeurent intraitables pour s'en ternir à la tradition juive du 14 nisan. Au concile de Nicée (325), la « synodique » (lettre circulaire épiscopale), adressée aux alexandrins, croit avoir réalisé un accord définitif : « Bonne nouvelle très chers Frères : l'accord se trouve enfin scellé entre nous, au sujet de la date de notre très sainte Pâques. Grâce à vos prières : question réglée. Tous nos frères orientaux qui, sur ce point, différaient des romains, avec vous et tous ceux qui désormais suivront, vont maintenant célébrer la grande fête chrétienne en même temps. Unanimité totale sur ce point : le dimanche après la pleine lune qui suit l'équinoxe de printemps. » Or nul n'a remarqué les divergences des calendriers : en Alexandrie l'équinoxe tombe le 21 mars, ce qui met Pâques entre le 22 mars et le 25 avril ; à Rome, l'équinoxe tombe le 25 mars, ce qui met Pâques entre le 25 mars et le 21 avril (calendrier julien). Les débats à ce propos resteront donc ouverts puisque le comput alexandrin est différent du comput romain. En 525, Jean I° ordonne à Boniface et Bonus de faire une enquête ; ils consultent un moine scythe établi à Rome, Denys le Petit qui, grand traducteur, hagiographe, canoniste et surtout computiste, examine, pèse et légifère : « Puisque 526 est une année embolique ou emboline (avec mois intercalaire), Pâques tombera le 19 avril 526. » Quant aux calculs passés et à venir, les directives sont tout aussi nettes : « On s'en tiendra au cycle alexandrin de 19 ans, approuvé par le concile de Nicée voilà deux siècles : 235 mois lunaires correspondant, à 2 heures près à 19 années juliennes. »