11 février Notre-Dame de Lourdes Sommaire : Extraits d'une homélie prononcée par le Pape Jean-Paul II le 11 février 1988, dans la Basilique Saint Pierre,pour célébrer la mémoire de la première apparition de la Vierge de Lourdes Aujourd'hui rappelons, chers Frères et Sœurs, une présence significative de cette nouvelle Femme dans notre histoire. Nous célébrons la mémoire liturgique de la première apparition de la Bienheureuse Vierge Marie à Bernadette Soubirous dans la grotte de Massabielle. Rappelons ensuite que - comme je le disais dans mon encyclique Redemptoris Mater - “ Marie est présente dans la mission de l'Église, présente dans l'action de l'Église qui fait entrer dans le monde le Règne de son Fils ” (n. 28). Cette présence se manifeste aussi, entre autre, “ par la force d'attraction et de rayonnement des grands sanctuaires où non seulement les individus ou les groupes locaux, mais parfois des nations et des continents cherchent la rencontre avec la Mère du Seigneur ”. Lourdes, comme tant d'autres lieux, est un signe particulier de cette action de Marie dans le cours de notre histoire. En effet -comme le dit Vatican II (Const. Dogm. Lumen Gentium, 62) - “ après son Assomption au ciel, son rôle dans le salut ne s'interrompt pas ; par son intercession répétée elle continue à nous obtenir les dons qui assurent notre salut éternel. Son amour maternel la rend attentive aux frères de son Fils dont le pèlerinage n'est pas achevé, ou qui se trouvent engagés dans les périls et les épreuves, jusqu'à ce qu'ils parviennent à la patrie bienheureuse ”. A Lourdes Marie accomplit une mission de soulagement de la souffrance et de réconciliation des âmes avec Dieu et avec le prochain. Les grâces que cette Mère de Miséricorde obtient aux foules immenses d'une humanité endolorie et égarée, ont toutes le but de les conduire au Christ et de leur obtenir le don de son Esprit. A Lourdes, Marie, par l'intermédiaire de Sainte Bernadette, s'est révélée, de façon éminente, comme “ porte-parole de la volonté du Fils ” (cf. Enc. Redemptoris Mater, n. 21). Tout ce que la Madone dit à la Voyante, tout ce qu'elle l'exhorta à faire, tout ce qui ensuite est né, est arrivé et arrive, reflète, en un certain sens, la “ volonté ” de la Madone : mais au nom de qui a-t-Elle obtenu tout ceci, à la grâce de qui, si ce n'est de son Fils divin ? Donc, Lourdes, nous pouvons le dire, appartient au Christ encore plus qu'à sa Très Sainte Mère. A Lourdes, nous apprenons à connaître le Christ à travers Marie. Les miracles de Lourdes sont les miracles du Christ, obtenus par l'intercession de Marie. Pour cela, Lourdes est un lieu privilégié d'expérience chrétienne. A Lourdes, on apprend à souffrir comme le Christ a souffert. On accepte la souffrance comme Il l'a acceptée. A Lourdes la souffrance s'allège parce qu'on la vit avec le Christ. Pourvu qu'on la vive avec le Christ. Soutenus par Marie. A Lourdes, on apprend que la foi soulage la souffrance, mais pas tellement dans le sens de la diminuer physiquement. C'est le devoir de la médecine, ou cela peut arriver exceptionnellement de façon miraculeuse. A Lourdes, on apprend que la foi soulage la souffrance en ce qu'elle la rend acceptable comme moyen d'expiation et comme expression d'amour. A Lourdes, on apprend à s'offrir non seulement à la justice divine, mais aussi - comme le disait Sainte Thérèse de Lisieux - à l'Amour miséricordieux de Celui qui, comme je l'ai dit dans ma lettre apostolique Salvifici Doloris (n. 18), a souffert “ volontairement et innocemment ”.
Priez pour nous, sainte Mère de Dieu.
Seigneur, protégez vos serviteurs, en leur accordant les bienfaits de la paix, et faites que, pleins de confiance en la protection de la bienheureuse vierge Marie, ils soient à l'abri des attaques de tous leurs ennemis. Par Jésus-Christ, notre Seigneur. - Amen. Il semble que le seul maintien d'une personne, son attitude, nous la révèlent tout entière, comme si son extérieur semblait sculpter son âme. Certes, la Vierge de Lourdes, en se montrant à sainte Bernadette, vient nous apporter un message qui redit l'essentiel de l'Evangile : prière et pénitence. Presque toutes les apparitions de la Sainte Vierge reprennent cet enseignement qui, pour en être capital, est trop souvent bien vite oublié. Mais, avant de l’entendre, il suffit de la regarder pour recevoir sa leçon : la révélation de son état d'âme à l'image duquel ses enfants doivent se conformer afin de porter la ressemblance maternelle. Contemplons cette image de l'Immaculée, tant reproduite dans nos églises, regardons dans le recueillement son visage, ses mains, ses pieds. Avant que de parler, elle apparaît et sa seule apparition comporte une leçon morale. Notre-Dame de Lourdes regarde le ciel. Dans ce visage, les yeux, qui sont le sens le plus parlant, sont levés vers Dieu et semblent porter tout son être vers Dieu seul d'un même élan total. Ainsi, vient-elle nous révéler son nom d'Immaculée, en nous rappelant aux lois fondamentales de la prière et de la pénitence. Sa seule attitude nous livre son âme et nous invite à y faire la nôtre semblable par le seul mystérieux attrait de sa beauté morale. Beau reflet de son privilège d'Immaculée, que ce don entier d'elle-même à Dieu. Ce privilège, que notre pauvre langage humain exprime d'une façon négative : « immaculée, sans tache, sans péché », est une réalité positive, profonde et splendide. Il s’agit d’une plénitude de grâce de la part de Dieu à laquelle correspond l'offrande totale de Marie au Seigneur. Cette attitude d'âme est celle à laquelle nous devons tendre. Enfants de Dieu, parce que nous tenons du Seigneur et la vie naturelle et la vie surnaturelle, le premier mouvement en tout et toujours doit être de s'orienter vers Dieu. Dès nos premières leçons de catéchisme, nous avons appris que Dieu nous a créés pour le connaître, l'aimer, le servir et lui plaire, aussi, quelle que soit notre vocation, notre état, nos occupations, tout ce qui fait notre vie cherche Dieu et aboutit à lui. A peine avons-nous commencé notre chapelet, qu’en récitant le Pater, reçu de la bouche de Jésus, nous affirmons ne pas vouloir autre chose que sanctifier le Nom divin, que faire advenir son règne et que faire sa volonté. Le saint apôtre Paul, entrant plus avant dans le détail de nos vies, jusqu’aux actions les plus simples et les plus naturelles, dira : « Soit que vous mangiez, soit que vous buviez et quoi que vous fassiez, faites tout pour la gloire de Dieu » (I Corinthiens X 31). Les saints, singulièment les fondateurs d'Ordres, ont tracé à leurs disciples un chemin de perfection. Si, à première vue, ces chemins peuvent paraître différents, en réalité, tous, avec des expressions semblables, portent au même but : saint Ignace de Loyola veut que ses Jésuites travaillent « pour la plus grande de Dieu », comme saint Louis-Marie Grignion de Montfort veut que ses religieux n’aient en tête que « Dieu seul », comme sainte Anne-Marie Javouhey ordonne ses religieuses à « la sainte volonté de Dieu. » Voilà, en définitive, ce que nous dit, la figure extatique de la Vierge de Massabielle au regard fixé vers Dieu. Habituellement, lorsqu’elle apparaissait à sainte Bernadette, l'Immaculée avait les mains jointes sur sa poitrine, même s’il lui arriva d'ouvrir les bras. Lorsqu’elle égrainait son chapelet avec Bernadette, tout le temps que la voyante le récitait, ses mains devenaient jointes aux doigts entrelacés. Mains jointes paume contre paume, ou mains jointes aux doigts entrelacés, c'est toujours l’attitude de la prière. Par là, elle nous souligne que la prière est le moyen de rester fixés à Dieu et de nous unir à lui. Par la prière, mouvement de l'esprit et du cœur, avant d'être mouvement des lèvres, se fait notre union à Dieu. Par la foi, l'adoration, la demande, la prière donne à tout le reste de notre activité valeur d'hommage à Dieu. Reconnaissons que la faiblesse de nos conceptions et de nos interprétations humaines nous font souvent négliger la prière ; sous prétexte que le saint apôtre Jacques nous enseigne que la foi sans les œuvres est une foi morte, bien des chrétiens n'accordent pas leur vie extérieure à leurs pratiques de piété ; sous prétexte qu'il existe des dévots égoïstes, paresseux, orgueilleux, avares, médisants et peu charitables, les beaux esprits entendent minimiser le rôle cultuel de la religion et la veulent concentrer dans les activités extérieures ; c'est tout juste s’ils ne placent pas ce que le monde appellait autrefois l’honnête homme, sans aucune religion et vaguement altruiste, au-dessus du catholique pratiquant et observant. Assurément, Jésus lui-même demandait des « adorateurs en esprit et en vérité »; il dit à des pharisiens, hypocrites : « Ce peuple m'honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi » ; il déclara : « Ce ne sont pas ceux qui disent : Seigneur, Seigneur, qui entreront dans le royaume des cieux, mais ceux qui font la volonté de mon Père qui m'a envoyé. » Mais n'oublions pas non plus qu'il a recommandé : « Il faut toujours prier ». Et pour toujours prier, pour que nos activités les plus charitables, pour que nos œuvres de zèle restent toujours prière et ne dévient pas en satisfactions personnelles, en quête de vaine gloire ou de popularité, voire même en simple altruisme naturel, il est nécessaire de faire souvent retour à Dieu par la prière bien comprise : élévation de notre âme vers Dieu pour reconnaître que tout vient de lui et doit aller à lui, qu'il est tout et que nous ne sommes rien. Telle est la leçon que nous donne l'Immaculée aux mains jointes et jusque dans le concret, en tenant le chapelet qui est la prière des humbles. Sur chacun des pieds nus de Notre-Dame de Lourdes, on voit une rose jaune qui brillait comme de l'or. Ses pieds disparaissaient, pour ainsi dire, sous le pan de la robe et les deux roses lui faisaient comme une chaussure. Comment ne pas se rappeler ici l'enthousiasme du prophète : « Qu'ils sont beaux les pieds de ceux qui annoncent la paix ! » Il exalte les pieds des missionnaires parce qu'ils sont le signe de leur activité et de leur zèle. Ces deux roses, sur les pieds de l'Immaculée, sont, comme toujours, symbole d'amour, de l'amour de Dieu et du prochain, du double amour qui se résoud en un seul, la charité, vertu théologale. Mais symbole de son amour agissant puisqu'elles fleurissent sur ses pieds. Amour qui s'active, qui se dépense, qui s'épuise pour Dieu et pour les âmes. Ainsi son union à Dieu indiquée par son regard, formée par la prière, s'achève dans l'amour véritable, non celui des mots mais celui des actes. Parfait modèle de la pleine justice, de la totale religion, de la dédicace sans réserve à Dieu et, à cause de Dieu, aux autres. Le montre-t-elle assez, Notre-Dame de Lourdes, qu'elle est venue secourir ceux qui souffrent, par les innombrables miracles qui se répètent depuis un siècle ! Le montre-t-elle assez, Notre-Dame de Lourdes, qu'elle est venue purifier les âmes aux piscines de la pénitence non moins miraculeuses que celles de la Grotte ! Mais, déjà, sa seule attitude le révèle à tous ceux qui la regardent. Si deux roses d'or ornent ses pieds, c'est qu'elle unit la contemplation de Marie à l'activité de Marthe. Et, à son exemple, l'âme chrétienne qui tend à la perfection ne doit pas s'isoler dans une sorte de recherche de Dieu qui ne serait plus qu'une recherche de soi-même, de sa tranquillité ou de sa paix. Si on aime Dieu, peut-on supporter de le voir méconnu et ignoré par tant et tant d'âmes ? Si, pour Dieu, on aime le prochain, peut-on ne pas s’efforcer de lui procurer ce qui peut l’aider à trouver les biens célestes ? Qu’elle est petite, cette pauvre charité des biens matériels nécessaires qui ne vise pas à communiquer le bien suprême de la sanctification ! Certes, qui peut le plus doit le moins, mais le moins n’a jamais remplacé le plus. Faisons du bien quand nous le pouvons, secourons les pauvres, adonnons-nous aux œuvres de misécorde, mais que nos actions n’aient pour but et pour mobile que la plus grande gloire de Dieu, en dehors de quoi il n'y a qu'agitation humaine, activité naturelle de solidarité et don passager de soi. Ne méritons pas ce reproche du prophète qui disait : « Ils ont des yeux et ne verront pas » ; agenouillons devant la statue de Notre-Dame de Lourdes pour recevoir la leçon de sa religieuse et charitable attitude. Son image est une prédication vivante : elle nous enseigne la primauté de Dieu, vers qui nous avons à tourner notre visage et à fixer nos yeux ; elle nous enseigne la prière par laquelle on se relie à Dieu ; elle nous enseigne la charité effective, entreprenante, active qui en a fini avec le prétexte égoïste. Daigne, l'Immaculée, prendre notre cœur avec le sien pour lui communiquer l’amour de Jésus Dieu, afin que nous soyons fondus avec elle dans le cœur de Jésus, pour aimer avec lui. Amen. Abbé Chr.Ph Chanut
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