18 janvier

Sainte Marguerite de Hongrie

Allocution de Sa Sainteté Pie XII

À l'occasion de la canonisation de sainte Marguerite (19 novembre 1943), le Pape avait préparé une allocution qu'il ne put prononcer en raison des événements. Elle fut publiée, à la demande de Hongrois exilés, avant l'Assomption 1944 et la fête de saint Étienne, premier roi de la nation magyare.


Comment Notre cœur n'exulterait-il pas, ému d'une joie intime, et très vive, à vous voir aujourd'hui rassemblés autour de Nous, chers Fils et Filles de la noble nation de Hongrie, dont la présence ravive en notre âme et représente les plus doux et chers souvenirs ? Souvenirs ineffaçables de ces grandes assises eucharistiques, au cours desquelles il Nous fut donné de représenter comme Légat Notre prédécesseur Pie XI, de glorieuse mémoire. Nous revoyons l'élan fervent de piété et de foi qui montait impétueusement de vos âmes et des immenses cortèges de votre peuple rassemblé de toutes les parties du royaume.

Nous rappelant et comme pour y faire écho, le vœu exprimé par la nation hongroise, dans ces journées inoubliables, - journées qui semblent être d'hier malgré le gouffre tragique qui nous en sépare. Nous manifestions alors le souhait que la bienheureuse Marguerite, rejeton de souche royale, compagne souriante et sœur de la sainte pauvreté, violette d'humilité oublieuse d'elle-même, âme eucharistique privilégiée et d'une profonde limpidité, lampe ardente devant le saint Tabernacle, dont la douce flamme scintille vivement encore aujourd'hui, même après le long cours de sept siècles, pût bientôt s'élever pour prendre rang dans la splendeur de la gloire des saints, comme une brillante étoile dans le ciel de la Hongrie. Quand elle pénètre dans les secrets conseils de Dieu, qui régit son Église, toute pensée est aveugle ; comment aurions-Nous pu alors supposer que la divine Providence se servirait de Notre ministère pour répondre à votre désir et accomplir ce vœu d'enchâsser cette nouvelle gemme dans le diadème déjà si brillant et si riche du Royaume de Marie ?

C'est une admirable histoire que celle de votre patrie ; histoire dans laquelle s'entrelacent luttes et épreuves qui illustrent sa sainte mission au service de Dieu, de l'Église et de la chrétienté ; histoire où alternent des renouveaux et des recommencements héroïques ; histoire dans les fastes de laquelle brillent ces phares lumineux que sont les saints de la dynastie des Arpad, parmi lesquels Étienne resplendit, figure géante de souverain, de législateur, de pacificateur, de promoteur de la foi et de l'Église, véritable homo apostolicus, dont la sainte main droite est au milieu de vous, symbole vénéré des grands gestes qu'il a accomplis et sauvegarde assurée de protection dans les dangers extrêmes.

Forment une couronne autour d'Étienne son fils, saint Émeric, lis virginal épanoui aux pieds de la Vierge Immaculée ; sainte Élisabeth d'Écosse, sa nièce, dont l'angélique vertu versa dans le cœur de son époux et de sa nouvelle patrie la douce pureté de l'Évangile ; saint Ladislas, idéal du chevalier du moyen âge, intrépide et bon, non moins aimé qu'admiré de ses sujets ; les deux neveux de Bela III, la bienheureuse Agnès de Prague, que sainte Claire appelait “ sa moitié ”, et Élisabeth de Thuringe, la “ chère et douce sainte ” ; enfin, ses arrière-neveux, les trois sœurs, la bienheureuse Cunégonde ou Kinga de Pologne, la bienheureuse Yolande de Pologne Kalisch, et cette Marguerite que nous contemplons aujourd'hui dans la plénitude de son triomphe. La génération suivante voit resplendir l'autre Élisabeth, rose de grâce et ange de paix du Portugal. Quelle nombreuse phalange et quelle variété d'âmes généreuses et saintes !

Ne semble-t-il pas que Dieu, dans cette famille où la sainteté est apparue si resplendissante et multiple, répandue dans un même sang, comme autant de rayons d'un même arc-en-ciel, ait voulu faire briller, pour les révéler à nos yeux, les innombrables degrés de la sainteté dont l'unique soleil est la sainteté du Christ ?

Sainteté du chef dans la constitution politique et sociale de la patrie chrétienne ; sainteté du guerrier sans faiblesse et sans haine, sainteté de l'épouse, de la mère, de la veuve ; sainteté dans la vie familiale et dans la vie du cloître ; sainteté fleurie dans les massifs du sol natal et portant ses fruits dans de lointains jardins pour le salut, la pacification et la prospérité d'autres nations.


L'originalité d'une grande sainte

De toutes ces figures héroïques de saints et de saintes, celle de Marguerite, la plus cachée et mise à part du monde, est peut-être la plus surprenante ; à certains elle ne serait pas loin d'apparaître comme la plus déconcertante. Dans les autres saints et saintes, il n'est pas difficile de découvrir des modèles qui s'appliquent à toutes les conditions de la vie : Marguerite, par contre, de premier abord, semblerait inimitable par qui que ce soit.

Marguerite a une singularité de vie et de piété, qui se rencontre rarement en d'autres saints. Mais tout saint est original, écrivait déjà dans la Pratica di amar Gesu Cristo le grand évêque et docteur saint Alphonse de Liguori, qui connaissait les multiples voies de la sainteté, par lesquelles le Saint-Esprit guide les âmes par ses ineffables inspirations vers le but suprême, en dehors de la vie commune, même si c'est celle du cloître, en dehors des mœurs et des pratiques civiles du monde, en les menant dans la solitude de l'esprit pour parler à leur cœur le langage de la mortification et de la pauvreté, si humiliant qu'il paraît étranger à toute vertu. Dans cette solitude, sous l'influence de la grâce, les singularités, qui stupéfient et étonnent celui qui les note, allant presque jusqu'à s'en offenser et les mépriser, ne sortent pas de l'influence de la charité du Christ dont elles s'inspirent et vers laquelle elles tendent, car c'est dans la charité du Christ, qui anime les saints et tout ce qu'ils font pour la victoire sur eux-mêmes, que consiste la véritable sainteté. La mortification, la piété et la dévotion des saints ont mille habiletés et manières que le monde ne peut comprendre et qui souvent, même dans la vie proprement dévote et mortifiée, ne suit pas la voie commune des vertus.

Le mépris des grandeurs humaines et des commodités de la vie matérielle de Marguerite, fille de roi, n'est-il pas une grande leçon pour les âmes moins élevées que la sienne ? Et qui oserait affirmer que le monde n'avait pas alors besoin, qu'il n'a pas, même aujourd'hui, besoin d'une telle leçon qui le fasse rougir et avoir honte du culte immodéré de la chair, du désir ardent des plaisirs, de l'immodestie du vêtement, de la recherche de la considération et des louanges ?

Il est vrai que, même dans la condition la plus humble, c'est un devoir de prendre un soin convenable de sa propre vie, de sa santé, de la dignité de son corps, et d'un certain décorum qui évite toute répugnance, et que tout cela depuis sa première enfance, par un esprit extraordinaire, cette vierge de sang royal, l'a fait passer après son ardeur de mortification et d'humilité. Marguerite, partant, est plutôt une leçon que Dieu nous offre à méditer qu'un exemple à suivre et imiter.

Il est hors de doute que la sainte n'aurait pu se livrer à de tels excès de mortification et de pénitence sans outrepasser les limites communes de la prudence et de la tempérance ; ses supérieurs eux-mêmes n'auraient pu ni oser de leur propre gré vouloir approuver ou conseiller une pareille méthode si différente de l'ordinaire, de se sacrifier pour Dieu dans la piété et la dévotion ; mais devant l'impulsion de la charité divine, qui veut porter un grand coup à la délicatesse mondaine, la prudence et la sagesse communes ne doivent-elles pas s'incliner ?

La sainte Église de Dieu, répéterons-nous avec l'auteur de la “ Vie de saint Charles Borromée ”, ornée d'une admirable variété de vertus, en ce siècle très relâché, avait peut-être besoin d'un tel exemple de sobriété et de mortification corporelle, et beaucoup d'entre nous nous avions besoin de ce stimulant contre tant de mollesse qui rend incapable de contempler les choses célestes. (Cf. Benoît XIV)


Son humilité et sa charité

Mais plus que ses extraordinaires pénitences et macérations, l'humilité et la charité de Marguerite dans l'accomplissement des observances quotidiennes semble avoir été ce qui a remué le plus profondément l'âme des témoins de sa vie.

Depuis sa plus tendre enfance elle n'aspirait à rien tant que de se conformer exactement aux pratiques et aux coutumes des religieuses du monastère en ce qui lui était permis, évitant toute dispense, et aimant les humiliations ; mais elle savait mettre tant de grâce en suppliant la supérieure et les autres religieuses, qu'on lui accorda beaucoup de choses. Or qui ne voit que cette constance jusqu'à la mort et cette fidélité à la règle démontrent le sérieux et la sainteté de son désir d'adolescente ? Toujours la première à se rendre aux obédiences et aux offices que lui assignait la prieure, sans vouloir jouir de privilèges d'exemption, elle était, quand venait son tour de semaine, la plus prompte et la plus assidue aux travaux matériels, humbles et grossiers, au service de la cuisine, à la propreté de la maison, au lavage de la vaisselle, qu'on la voyait faire avec ses mains souvent gercées et saignantes dans les rigueurs de l'hiver. Son intention n'était pas seulement de satisfaire par ce travail son avidité de mortification, mais elle cherchait à faire en sorte que personne ne pût se souvenir de sa naissance illustre, même en ce monastère fondé par son père. C'est pourquoi elle souffrait, parfois jusqu'à en pleurer, si d'autres paraissaient de quelque manière insinuer qu'elle était fille de roi. Pensant au Fils de Dieu qui naquit pauvre et voulut s'appeler Fils de l'homme, Marguerite aurait désirée être née pauvre fille du peuple et comme telle être naturellement traitée parmi ses très nobles consœurs. Une telle humilité, elle l'avait apprise de Jésus-Christ humble de cœur, comme elle avait appris de lui cette douceur qui dans son abaissement ne se séparait jamais de la gentillesse, de la bonté et de la charité qu'elle prodiguait autour d'elle. Aussi s'il lui arrivait de recevoir de ses parents quelque don, aimant comme elle le faisait le détachement et la pauvreté, elle le portait aussitôt à la prieure ou à la provinciale pour l'usage de la communauté ou pour le soulagement des pauvres honteux, tandis que les joyaux et les riches étoffes allaient orner les églises dans le besoin. Elle paraissait avoir hérité un si vif amour pour les pauvres de sa sainte tante Élisabeth ; leur vue l'incitait toujours à une tendre compassion et à courir vers la prieure pour lui demander quelque habit ou ne fut-ce qu'un peu d'aide pour subvenir à leurs besoins ; puis à ses consœurs qui ne possédaient rien elle demandait l'aumône de leurs prières. Généreuse à l'égard des malheureux en dehors du monastère, sa charité triomphait et excellait entre les murs du cloître, car c'est dans l'ordre de la charité même et d'une vertu solide et sans illusions de prodiguer ses soins charitables d'abord et avant tout au sein de la communauté. Oh ! comme elle se montrait sensible à l'égard de ses consœurs ! S'il survenait quelque contrariété ou dissentiment entre deux religieuses, vous l'eussiez vue soucieuse de conseiller la paix ; si quelqu'une laissait voir un visage moins souriant que d'ordinaire, elle s'empressait de lui demander pardon, craignant de l'avoir offensée peut-être inconsciemment ; les malheurs des autres la faisaient souffrir jusqu'aux larmes, comme s'il se fût agi des siens propres. Quant aux malades, les soins et l'assistance qu'elle leur prodiguait étaient presque maternels et ne connaissaient pas de bornes ; les infirmités qui provoquaient naturellement le plus de dégoût, loin de l'amoindrir, accroissaient son empressement et sa vigilante attention ; comprenant toutefois la répugnance des autres Sœurs, avec bonne grâce et délicatesse elle savait les éloigner pour assurer elle seule tous les services et tous les soins nécessaires ; à cet effet, Dieu lui donnait des forces qu'on pourrait estimer miraculeuses, qui, de toute façon, paraissent bien supérieures à celles de son sexe, spécialement quand on considère l'état d'épuisement physique qu'auraient dû lui causer ses macérations continuelles. L'insupportable odeur fétide ne l'empêcha jamais de porter les malades au bain, de les reconduire et de les remettre comme il faut dans leur lit, d'accomplir pour elles tous les services non seulement d'une infirmière assidue, mais de la plus humble servante. S'il arrivait jamais qu'elle entendît, de jour ou de nuit, quelqu'une se plaindre ou gémir, aussitôt elle accourait près d'elle, lui demandait tendrement ce qu'elle désirait, et sans retard, même pieds nus, descendait à la cuisine préparer et porter ce qui pouvait procurer un peu de soulagement ou de plaisir à celles qui en avaient besoin.

Mais si sa charité s'étendait si généreusement au prochain et embrassait ses consœurs, elle s'élevait comme une flamme d'amour intense et fervent vers le ciel et vers Jésus, centre de toutes ses aspirations. Aux différentes propositions de très nobles noces que lui fit son père, elle opposa toujours le refus le plus énergique, décidée comme elle l'était d'être irrévocablement toute à Dieu. Ces veilles et ces prières qu'elle obtenait, par ses supplications émouvantes au nom de Jésus, de prolonger devant le saint tabernacle, et dans le secret de son cœur ces larmes et ce long jeûne de trois jours qu'elle passait à se remémorer et à méditer la Passion du Rédempteur, ce vif désir tant de fois exprimé de participer aux souffrances des martyrs pour donner à Dieu le témoignage le plus fort et le plus sincère de son amour, voilà la vraie source de toutes les vertus que nous admirons en elle, vertus non moins délicatement humaines que hautement surnaturelles.

Et voilà encore la secrète origine de ces austérités extraordinaires qui, bien qu'elles arrivent à surprendre notre âme et à déconcerter presque, au premier abord, notre pensée, provenaient pourtant de la pierre de touche qui est l'inspiration divine, ineffable en son conseil ; c'est dans cette harmonie de la grâce, dont la volonté humaine ne pourrait jamais concevoir le mystère, que se cachent les effets admirables de la sainteté et que l'âme s'élève en des ascensions toujours plus hautes et plus divines. Toutefois nous nous étonnons devant les grandes macérations de Marguerite ; mais confessons que même aux yeux de Dieu qui a tout créé et soutient tout depuis les vers de la terre jusqu'au soleil et au concert des astres du firmament, rien n'est vil quand cela devient un moyen de sanctification de l'âme et d'élévation à ce monde de l'esprit, qui surpasse toute la nature et nous unit à Dieu dans le chemin qui mène à la vie de l'immortalité bienheureuse.

Le Seigneur ne tarda pas à appeler la très religieuse fille du roi de Hongrie à la récompense éternelle en l'enlevant du milieu des tempêtes qui avaient troublé ce royaume et ajouté à ses peines corporelles celles de voir la discorde et la guerre entre son père et son fils aîné pour la désignation du successeur au trône ; conflit dont les effets se ressentirent aussi dans le monastère où elle vivait et en interrompirent la paix intime.


Sa paisible fin prématurée

En effet, ses forces et sa vigueur allaient déclinant ; elle sentait en elle, avec ses vingt-huit ans, que s'approchait le crépuscule de sa vie. En 1269, étant à l'infirmerie, près du cadavre de Sœur Beata, en présence de deux autres religieuses, Marguerite avait dit : Je serai la première qui mourra après elle. C'était la voix de l'appel de Dieu qui, devant sa consœur défunte, parlait à Marguerite par le moyen du dépérissement extrême de son corps, dépérissement qui pourtant n'affaiblissait pas en elle cette ferveur spirituelle dont elle avait été animée jusqu'alors.

Le jour de l'Épiphanie de l'année suivante, elle fut prise d'une fièvre si forte que, dans la vision de sa mort prochaine, elle exprima le désir d'être ensevelie au pied de l'autel de la Sainte-Croix, tellement elle était avide de se conformer à Jésus-Christ jusqu'à la mort, ou bien dans cet endroit de l'église où elle faisait ses longues oraisons particulières ; ajoutant, comme pour pousser à satisfaire sa demande : Ne craignez pas de mauvaise odeur ; de mon corps ne sortira pas de mauvaise odeur. Elle languissait sur sa pauvre couche, absorbée dans l'amour de Dieu, comme une rose dont la corolle se fane aux chauds rayons du soleil. La mort ne la troublait pas. Comment eût-elle pu la craindre, elle qui tant de fois l'avait défiée par ses longs jeûnes et par ses veilles extraordinaires, non moins que par ses cilices et ses disciplines, désormais inutiles pour elle puisqu'elle allait mourir et dont elle remit à la prieure la clé de la cassette où ils étaient enfermés ? Mourir, pour elle, c'était se dissoudre pour être avec le Christ son Époux ; c'est pourquoi, pour mieux se purifier, elle se confessa deux fois au prieur provincial des Dominicains, demanda et reçut le Saint Viatique et l'Extrême-Onction avec les sentiments de la piété et de la dévotion les plus vives, toute proche comme elle l'était du grand voyage vers le ciel, en secouant tout reste de l'humaine poussière ramassée ici-bas.

Elle expira le 18 janvier, dans cette paix et cette sérénité, qui rendent précieuse la mort des saints devant le Seigneur. Monte bien haut, ô vierge royale, toi qui, depuis ton enfance, aspiras vers la cour du ciel. Que le saint patriarche Dominique descende à ta rencontre avec une phalange d'anges et t'accompagne jusqu'au trône du Roi de gloire, pour y recevoir la couronne de lis et de roses, avec laquelle tu suivras, au milieu du chœur des vierges, les triomphes de la Reine du ciel.

Cependant, ici-bas, Dieu faisait réapparaître la beauté des traits sur le visage de Marguerite. Ce phénomène ne fut pas, tout d'abord, remarqué par les Sœurs ; elles s'en aperçurent trois jours après, quand l'évêque d'Esztergom, admirant la splendeur du visage de la défunte, leur dit qu'elles ne devaient pas pleurer sa mort, mais plutôt s'en réjouir, parce qu'elle semblait déjà manifester le commencement de sa résurrection.

Tous ceux qui s'approchèrent du corps inanimé ne sentirent aucune odeur désagréable, mais beaucoup perçurent un suave parfum, comme celui de roses, et c'est ce même parfum que sentirent sortir de son tombeau ceux qui, quelques mois plus tard, vinrent pour le recouvrir d'une pierre de marbre.

Ce parfum de roses, qu'aucune main dévote ne déposa sur le corps et sur la tombe de Marguerite, n'était pas autre chose que le parfum de sa sainteté ; parfum de sainteté qui, après près de sept siècles, arrive à nous, depuis le grand siècle médiéval qui vit la fondation de votre Ordre insigne, chers fils et filles du glorieux patriarche Dominique, et fut fameux par vos saints et vos grands recteurs et maîtres, et devait vous donner plus tard l'héroïque vierge Catherine de Sienne. Sans être enlevée à sa noble patrie, la Hongrie, Marguerite est donc vôtre et de votre Institut religieux, dont les aspirations apostoliques embrassèrent les pays de l'Europe tout entière, sous la poussée d'un zèle ardent, et même la terre que baignent le Danube et le Temesz.

Elle est vôtre, parce qu'elle appartient à votre Ordre, au sein duquel s'écoula toute sa vie, depuis son enfance jusqu'à sa bienheureuse mort ; elle est vôtre par sa dévotion tendrement filiale envers Marie ; vôtre par sa profession religieuse, pour laquelle elle manifestait, même dans les circonstances les plus délicates, un inébranlable attachement ; vôtre d'une manière toute particulière par son esprit, cette vierge qui, de la retraite de son couvent, fut, au cours de sa courte existence, une prédication continuelle. Et quelle prédication plus éloquente, plus opportune, et plus nécessaire, à faire entendre au monde frivole, avide de plaisirs, orgueilleux, hostile à toute mortification, que l'exemple de cette vie d'humilité et de pauvreté, d'abnégation et de charité ? Puisse-t-elle, du haut du ciel, dans sa gloire immortelle, ne cesser de présenter à Dieu sa prière ardente et puissante, de manière à attirer les grâces les plus précieuses sur sa patrie bien-aimée, sur son saint Ordre qui est aussi le vôtre, sur le monde entier, qui a plus que jamais besoin de lever son regard au-dessus de ce qui passe et trouble sa concorde et sa paix, pour trouver et obtenir de Dieu le remède à ses maux.

Avec ce vœu, nous vous donnons à tous avec effusion de cœur Notre paternelle Bénédiction apostolique.