2ème dimanche de Pâques - Année C

Evangile

Suite du saint Évangile de notre Seigneur
Jésus-Christ selon Saint Jean (XX 19-31).

C'était après la mort de Jésus, le soir du premier jour de la semaine[1]. Les disciples avaient verrouillé les portes du lieu où ils étaient, car ils avaient peur des Juifs. Jésus vint[2], et il était là au milieu d'eux[3]. Il leur dit : « La paix soit avec vous ! »[4]. Après cette parole, il leur montra ses mains et son côté[5]. Les disciples furent remplis de joie[6] en voyant le Seigneur. Jésus leur dit à nouveau[7] : « La paix soit avec vous ! De même que le Père m'a envoyé, moi aussi, je vous envoie »[8]. Ayant ainsi parlé, il répandit sur eux son souffle[9] et il leur dit : « Recevez l'Esprit Saint[10]. Tout homme à qui vous remettrez ses péchés, ils lui seront remis ; tout homme à qui vous maintiendrez ses péchés, ils lui seront maintenus ».

Or, l'un des Douze, Thomas[11] (dont le nom signifie : Jumeau[12]) n'était pas avec eux, quand Jésus était venu. Les autres disciples lui disaient : « Nous avons vu le Seigneur ! » Mais il leur déclara : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt à l'endroit des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas »[13].

Huit jours plus tard, les disciples se trouvaient de nouveau dans la maison, et Thomas était avec eux. Jésus vient alors que les portes étaient verrouillées, et il était là au milieu d'eux. Il dit : « La paix soit avec vous ! » Puis il dit à Thomas : « Avance ton doigt ici, et vois mes mains ; avance ta main, et mets-la dans mon côté[14] : cesse d'être incrédule, sois croyant »[15]. Thomas lui dit alors : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » Jésus lui dit : « Parce que tu m'as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu »[16].

Il y a encore beaucoup d'autres signes que Jésus[17] a faits en présence des disciples[18] et qui ne sont pas mis par écrit dans ce livre. Mais ceux-là y ont été mis afin que vous croyiez que Jésus est le Messie, le Fils de Dieu, et que, par votre foi, vous ayez la vie en son nom.


Textes liturgiques © AELF, Paris


[1] Dans l’Ancien Testament la semaine est une suite continue de sept jours, désignée par le septième, le jour du sabbat ; les Juifs n’avaient pas attribué de nom particulier aux six premiers jours de la semaine qu’ils avaient simplement numérotés, à l’exception du sixième jour de la semaine (notre vendredi), qu’à partir de l’époque hellénistique, ils appelèrent le « jour de la préparation ». Le sabbat, en souvenir du septième jour où Dieu se reposa après la création, était le samedi ; le premier jour de la semaine est donc le dimanche. Comme le Christ est ressuscité le dimanche de Pâques, le premier jour de la semaine devient le « jour du Seigneur » pour les Chrétiens : « Nous célébrons le dimanche à cause de la vénérable résurrection de notre Seigneur Jésus Christ, non seulement à Pâques, mais aussi à chaque cycle hebdomadaire » (Innocent I° : épître à Decentium XXV, 4, 7).

« Le premier jour de la semaine, Marie la Magdaléenne vient au tombeau le matin, alors qu’il faisait encore sombre, et elle aperçoit la pierre enlevée du tombeau » (évangile selon saint Jean, XX 1).

« Et de grand matin, le premier jour de la semaine, elles viennent à la tombe dès le lever du soleil » (évangile selon saint Marc, XVI 2).

« Après le sabbat, comme le premier jour de la semaine commençait à luire, Marie la Magdaléenne et l’autre Marie vinrent regarder le sépulcre » (évangile selon saint Matthieu, XXVIII 1).

« Et le premier jour de la semaine, à la pointe de l’aurore, elles vinrent à la tombe en apportant des aromates qu’elles avaient préparés » (évangile selon saint Luc, XXIV 1).

« Le premier jour de la semaine, comme nous étions rassemblés pour rompre le pain, Paul, qui devait partir le lendemain, leur parlait, et il prolongea son discours jusqu’à minuit » (Actes des Apôtres, XX 7).

[2] Des hommes s'étonneront devant cette affirmation et diront : « S'il est ressuscité avec un vrai corps, celui qu'il avait sur la croix, si ce corps a pu être trouché, comment a-t-il pénétré par les portes closes ? » Si vous compreniez le comment, il n'y aurait plius de miracle. Des miracles de ce genre, vous les retrouverez depuis le commencement de la vie de Jésus-Christ. Une vierge demeure dans sa virginité mais elle devient féconde. Elle enfante mais elle demeure vierge. Vous ne comprenez pas le comment, faites un acte de foi. là où la raison s'arrête impuissante, commence l'œuvre de foi (saint Augustin : sermon CCXLVII).

[3] Le corps que le Christ porta au tombeau était un corps passible et mortel qu’il avait pris pour nous ; il ressuscita avec ce même corps glorieusement transfiguré et immortel : « Sa chair n’a pas changé de nature, mais elle a revêtu les qualités qui conviennent à un corps ressuscité » (saint Ambroise : commentaire de l’évangile selon saint Luc X 169). Cette glorification corporelle donne au corps des qualités qui le font participer pleinement aux conditions de l’esprit et l’affranchissent de la souffrance, de la mort, des lois de la matière, de l’espace et du temps. « Une porte close ne pouvait arrêter un corps rempli par la divinité » (saint Augustin : Tractatus in Johannis evangelium, CXXI 4).

[4] Il les envoyait aux combats que leurs ennemis devaient rendre implacables ; c'est pourquoi à l'avance il leur donne la paix. Il avait salué les femmes en leur souhaitant la joie ; car il enlevait le poids de tristesse et la malédiction qui pesaient sur elles : il donne la paix à ceux qu'il envoie aux combats (saint Jean Chrysostome : homélie LXXXVI sur l'évangile selon saint Jean).

[5] Il voulait nous montrer qu'il était réellement au milieu d'eux avec son corps ressuscité ; car ce que l'on touche est une substance corporelle. Il voulait nous montrer ce que nous serions un jour, à la Résurrection. On jette en terre, comme une semence, un corps animal ; ce qui sort de la terre c'est un corps spirituel. Celui-ci est un corps réel, mais fluide, et celui-là est un corps plus grossier, alourdi par le joug de la matière. Le corps du Sauveur ressuscité est un corps réel, puisqu'il conserve les traces de blessures qu'il invite ses apôtres à toucher. Il nous les montrait non seulement comme une preuve donnée à notre foi, mais comme un excitant proposé à notre amour. Au lieu de fermer ses plaies, il voulut les porter avec lui dans le ciel, il voulait les montrer à son Père comme le prix de notre liberté. C'est avec ses blessures qu'il voulut être établi à la droite de son Père, et que le Père l'embrassa comme le trophée de notre salut (saint Ambroise : commentaire de l'évangile selon saint Luc, X 170).

[6] La joie était déjà dans leur coeur, mais la crainte y persistait toujours. Une chose s'était accomplie, mais elle était incroyable. Elle est crue maintenant dans le monde entier, et ceux qui la croient trouvent la pureté dans leur foi ; ceux qui refusent de la croire demeurent dans leur impureté. Et pour persuader cette chose incroyable, Jésus fait appel au témoignage non seulement des yeux, mais encore des mains, afin que par les sens la foi descendît dans leur coeur et que de là elle pût être répandue dans le monde entier, annoncée à ceux qui n'auraient pu voir et toucher, et qui néanmoins croiraient sans aucune hésitation (saint Augustin : sermon CXVI).

[7] Il leur répète son souhait pour leur montrer avec quelle certitude il leur assure cette paix qu'il leur donne. C'est là cette paix sur paix dont avait parlé les prophètes (saint Augustin : Tractatus in Johannis evangelium, CXXI).

[8] Il les envoie au milieu des persécutions : il faut qu'ils regardent cette mission comme une preuve de son amour. Le Père l'aimait quand il l'envoyait au milieu de la souffrance ; Jésus aime ses disciples du même amour en les envoyant au milieu des persécutions (saint Grégoire le Grand : homélie XXVI).

[9] En envoyant le Saint-Esprit par son souffle, il montre que l'Esprit Saint n'est pas seulement l'Esprit du Père, mais qu'il est son Esprit comme il est celui du Père (saint Augustin : Tractatus in Johannis evangelium, CXXI).

Par sa propre puissance il communique à ses apôtres ce don d'en-haut qui les prépare au ministère qu'ils doivent remplir (saint Jean Chrysostome : homélie LXXXVI sur l'évangile selon saint Jean).

Il leur donne ce pouvoir en répandant sur eux son souffle afin que l'on sache que le Saint-Esprit procède de lui, procède de Dieu ; car Dieu seul peut remettre les péchés (saint Ambroise : commentaire de l'évangile selon saint Luc, X 180).

Le Saint-Esprit avait coopéré avec le Verbe de vie à la création de l'homme, vertu de vie, substance divine, substance ineffable procédant d'une bouche ineffable, et d'une façon ineffable envoyée à l'homme dans un souffle de Dieu ; et maintenant il est de nouveau envoyé à l'homme d'une façon visible par le Christ. Cette rénovation et cette coopération répondaient à cette création première. C'est le même esprit qui est donné aujourd'hui et qui était donné au commencement ; au commencement il était donné avec l'âme, aujourd'hui il est répandu dans l'âme (saint Basile : « Contre Eunomius », V).

Souffler sur une personne, dit saint Augustin, est une marque de mépris ; ainsi, au début du baptême, le Prêtre s’adresse avec mépris à l’esprit impur et entame contre lui la lutte qui doit aboutir à la libération totale du catéchumène. Cette exsufflation signifie que, au nom de la Trinité et par la vertu de la Croix, le baptême va expulser, comme un vent violent qui chasse tout, le démon qui règne dans cette âme par le péché originel. Le souffle qui expulse le démon installe le Saint-Esprit ; c’est aussi le souffle de la Pentecôte.

[10] C’est la charité qui remet les péchés de ceux qui y participent, et c’est le Saint-Esprit qui répand la charité dans les cœurs(saint Augustin : Tractatus in Johannis evangelium, CXXI).

[11] Saint Thomas (aussi appelé Didyme) est, parmi les apôtres, nommé le septième dans l’évangile selon saint Matthieu (X 3), le huitième dans l’évangile selon saint Marc (III 18) et dans l’évangile selon saint Luc (VI 15) qui, dans les Actes des Apôtres (I 13), le nomme en sixième position. Quand Jésus avait voulu rentrer en Judée pour retrouver son ami Lazare qui venait de mourir, alors que les autres disciples redoutaient la haine mortelle des Juifs, saint Thomas s’écria : « Allons, nous aussi, pour mourir avec lui ! » (évangile selon saint Jean, XI 16). Après la Cène, quand Jésus eut dit : « Pour aller où je vais, vous savez le chemin », Thomas lui répondit : « Seigneur, nous ne savons pas où tu t’en vas ; comment saurions-nous le chemin ? » (évangile selon saint Jean, XIV 4-5). Après la Résurrection, outre dans ce passage célèbre, l’Evangile le compte parmi le groupe d’apôtres auquel Jésus apparaît sur le bord du lac (évangile selon saint Jean, XXI 2).

Dans un autre épisode de sa vie, purement légendaire, l'apôtre Thomas refuse de croire à l'Assomption de Marie. Il fait ouvrir son tombeau et le trouve rempli de fleurs. L'Assunta, du haut du ciel, dénoue sa ceinture et la laisse choir entre les mains de Thomas. Cette ceinture joue ici le rôle du linceul trouvé par les Saintes Femmes au tombeau. Cette légende, et le culte de la Sacra Cintola qui y est lié, ont pour cadre géographique la Toscane. La cathédrale de Prato accueille en 1365 cette relique, rapportée de Terre sainte en 1141.

Selon une autre tradition légendaire, diffusée par les Actes de Thomas et la Légende dorée, saint Thomas aurait été invité par un envoyé du roi des Indes, Gundophorus (ou Gondophorus) à construire un palais à son souverain. Au lieu du palais promis, l'apôtre annonce qu'il a conçu pour lui un « palais céleste », et distribue l'argent reçu aux pauvres. Outré, le roi le jette en prison puis lui pardonne. Selon une tradition admise dans les communautés chrétiennes de Malabar, saint Thomas aurait été martyrisé à Mylapore, près de Madras après avoir évangélisé cette région. Son corps aurait été l'objet d'une translation à Édesse en 394. Selon une autre version, sa dépouille serait restée en Inde, dans un lieu appelé aujourd'hui San Tomé.

[12] L’hébreux Thômâ signifie « jumeau » comme le grec Didyme.

[13] L'Esprit de vérité n'aurait pas permis ces hésitations dans les cœurs de ses prédicateurs si cette défiance, ces retardements pleins de curiosité n'avaient affermi les fondements de notre foi. Ce sont nos troubles que le Sauveur guérissait dans la personne de ses apôtres : en eux ils nous prémunissait contre les calomnies des impies et contre les arguments de la sagesse terrestre. Ce qu'ils ont vu nous a éclairé ; ce qu'ils ont entendu nous a renseigné ; ce qu'ils ont touché nous a affermis. Ils ont douté pour que le doute ne nous fût plus possible (saint Léon le Grand : premier sermon pour l'Ascension I).

[14] Il garde ses blessures afin de guérir la blessure de leur doute. Il les garde pour rappeler sans cesse à ceux qui sont rachetés par sa mort avec quelle miséricorde il les a secourus afin qu'ils ne cessent de chanter : « Que le Seigneur est bon ! » Tel un roi revenant des combats où il a écrasé et dépouillé ses ennemis, assuré le triomphe de son peuple, aime à garder les cicatrices des blessures qu'il a reçues pour son peuple (saint Bède le Vénérable).

[15] Il a voulu garder en son corps ces deux qualités qui paraissent inconciliables, d'être incorruptible et toutefois tangible, afin de nous montrer qu'après sa résurrection, son corps, bien qu'ayant passé à un état nouveau, était toujours de même nature qu'auparavant. En le montrant incorruptible, il nous révèle la récompense à laquelle il nous invite ; en nous le présentant tangible, il affermit notre foi (saint Grégoire le Grand : homélie XXVI, 1).

[16] Nous n’aurions pas le bonheur de croire sans voir si nous ne l'avions reçu du Saint-Esprit. C'est donc avec raison que le Maître a dit : « Il faut que je m'en aille. Si je ne m'en vais pas, le Paraclet ne viendra pas à vous ; mais si je m'en vais, je vous l'enverrai. » Sans doute, par sa divinité, il est toujours avec nous, mais s'il n'avait pas disparu corporellement à nos yeux, nos yeux l'auraient toujours contemplé corporellement et nous n'aurions jamais cru spirituellement. C'est par cette foi que nous mériterons de contempler un jour, avec un cœur purifié, le Verbe lui-même, Dieu en Dieu, par qui tout a été fait et qui s'est fait chair pour habiter parmi nous. La foi qui mène à la justice ne s'obtient pas par le toucher de la main, mais par la foi du cœur (saint Augustin).

[17] Les saintes Ecritures, parlent de onze apparitions de Jésus ressuscité : 1. à Marie-Madeleine, près du sépulcre (évangile selon saint Jean, XX 14) ; 2. aux saintes femmes qui revenaient du sépulcre (évangile selon saint Matthieu, XXVIII 9) ; 3. à Simon Pierre (évangile selon saint Luc, XXIV 34) ; 4. aux deux disciples d’Emmaüs (évangile selon saint Luc, XXIV 15) ; 5. à tous les apôtres, sauf saint Thomas, au Cénacle, le soir de Pâques (évangile selon saint Jean, XX 19) ; 6. à tous les apôtres rassemblés au Cénacle, le dimanche après Pâques (évangile selon saint Jean, XX 26) ; 7. à cinq apôtres et deux disciples au lac de Tibériade (évangile selon saint Jean, XXI 4) ; 8. aux apôtres sur la montagne de Galilée (évangile selon saint Matthieu, XXVIII 16) ; 9. à plus de cinq cents frères à la fois (première épître de saint Paul aux Corinthiens, XV 6) ; 10. à saint Jacques (première épître de saint Paul aux Corinthiens, XV 7) ; 11. aux apôtres à Jérusalem (Actes des Apôtres, I 4).

[18] C'est réellement que le Seigneur Jésus-Christ a souffert et c'est réellement qu'il s'est ressuscité lui-même : sa Passion n'a pas été une simple apparence (...) Je sais et je crois que, même après sa Résurrection, Jésus-Christ avait un Corps. Quand il s'approcha de Pierre et de ses compagnons, que leur dit-il ? « Touchez-moi, palpez-moi, et voyez que je ne suis pas un esprit sans corps. » Aussitôt ils le touchèrent. Au contact de sa chair et de son esprit, ils crurent : de là leur mépris de la mort et de leur victoire sur elle. Après sa Résurrection, Jésus mangea et but avec ses disciples comme un être corporel, bien que spirituellement uni au Père (saint Ignace d'Antioche : épître à l’Eglise de Smyrne).