27e dimanche des temps ordinaires

Première lecture

Lecture du livre d'Habacuc1 (I,2-3 & II,2-4)2.

" Combien de temps, Seigneur, vais-je t'appeler au secours, et tu n'entends pas, crier contre la violence, et tu ne délivres pas ! Pourquoi m'obliges-tu à voir l'abomination et restes-tu à regarder notre misère ? Devant moi pillage et violence, dispute et discorde se déchaînent. Je guetterai ce que dira le Seigneur. "

Alors le Seigneur me répondit : « Tu vas mettre par écrit la vision, bien clairement sur des tablettes, pour qu'on puisse la lire couramment. Cette vision se réalisera, mais seulement au temps fixé ; elle tend vers son accomplissement, elle ne décevra pas. Si elle paraît tarder, attends-la : elle viendra certainement, à son heure. Celui qui est insolent n'a pas l'âme droite, mais le juste vivra par sa fidélité. »


Textes liturgiques © AELF, Paris


[1] D’Habacuc, neuvième petit prophète du recueil canonique, on ne sait rien, mais l’on peut dater son livre des alentours de 600 avant Jésus-Christ, à l’époque où les Chaldéens vont abattre définitivement l’empire Assyrien ; en effet, il ne connaît pas la première prise de Jérusalem qui eut lieu en 597 et parle des victoires des Chaldéens en Syrie qui ont eut lieu en 602. Il est probable que le prophète Habacuc fut contemporain du prophète Jérémie, au début du règne de Josias. Le livre de Daniel (XIV 33-39) lui donne un rôle dans l'histoire de la fosse aux lions où il est parachuté, mais est-ce bien le même ?

2 La coutume veut situer ce cri du prophète Habacuc vers six siècles avant la naissance du Seigneur, après la chute de Ninive (612). Un homme et un peuple, en proie à la violence, appellent au secours. Pillages, brutalités et discordes sont devenus le lot quotidien. Devant le silence de Dieu le prophète ne se tait pas. Il maintient sa prière malgré l'inaction apparente de Dieu qui semble rester là, à regarder la misère humaine sans rien faire ; Dieu qui n'intervient pas, semble sourd. La seconde partie de la lecture d’aujourd’hui est la réponse du Seigneur qui, enfin, parle, se fait voir et dicte : « Tu vas mettre par écrit bien clairement la vision sur des tablettes. » Le scribe de Dieu est invité à transmettre le message afin qu'il puisse être lu couramment. Ce souci de la clarté et de la simplicité est instructif. Dieu montre sa volonté de se faire comprendre des petits. Dieu ne réserve pas sa révélation à des initiés qui ne seraient pas capables de faire connaître à tous ce qu'il pense et dit. De fait cette Parole de Dieu au prophète Habacuc a traversé les siècles. Elle est le centre de la réflexion .de saint Paul et de l'auteur de l'épître aux Hébreux sur la justification par la foi.Il existe trois versions du texte que nous offre la liturgie de ce dimanche, fondé sur le texte hébreu. La traduction grecque de la Septante ne dit pas « sa fidélité » mais « le juste vivra de ma fidélité » ou « le juste vivra de la foi ». Saint Paul, dans l’épître aux Romains (I 17) et dans l’épître aux Galates (III 11) a retenu cette dernière interprétation, mais l'auteur de l'épître aux Hébreux (X 38) dit : « mon juste vivra de la foi. ». Nous serions tentés de garder la Septante : « le juste vivra de ma fidélité. » Il ne s’agit plus du problème de la rétribution, mais de la doctrine de la justification par la foi. Partout est toujours, le fidèle doit avoir une attitude de foi qui consiste à s’habituer à la dimension de l’éternité, à se familiariser avec un déjà-là bien discret mais qui agit dans un immense et troublant pas encore. Seules la foi, l’espérance et l’amour de Dieu apportent quelques lumières au plus noir de l’absurde du monde qui, lorsqu’on s’y abandonne, ne produit que doute, désespoir et égoïsme. Le juste qui vit de la foi et de la fidélité de Dieu, souffrira comme le Christ (dont le petit peuple fidèle de Juda est la figure), mais son persécuteur qui semble, en l’instant, posséder une puissance invincible, ne pourra pas survivre. Tout au long de son histoire, l’Eglise a souffert d’ennemis terribles, mais alors qu’elle est toujours là, que reste-t-il d’eux ?